La Philosophie à Paris

QUESTION DE LIBERTE 3 / La fin de l'Etat est la liberté selon Spinoza

5 Janvier 2008, 01:45am

Publié par Anthony

Dans le chapitre XVI du Traité théologico-politique, Spinoza établit d'abord que le droit naturel de chacun, sensé ou insensé, s'étend aussi loin que sa puissance, ce qui établit le risque de la violence. Mais l'état de société, de même que la raison, sont naturels à l'homme. Le but de l'État est l'utilité commune. Pour que ne règne pas la violence anarchique, il faut que la force appartienne à l'État, au souverain (collectif ou individuel). Mais le pouvoir du souverain est borné par la puissance, qu'il est impossible que les sujets ne conservent pas, et qu'il est avantageux qu'ils conservent aussi grande que possible. pour ne pas devenir des automates. La liberté ne se limite donc pas arbitrairement. Elle ne peut se limiter que naturellement, par la réciprocité des puissances, et la recherche par chaque partie de son utilité propre. Or cette utilité propre ne peut être contraire à la raison. L'État démocratique qui se fonde sur l'intérêt général est le plus rationnel, donc le plus libre. Merci à Laurence Hansen-Love pour l'indication de cet extrait :)

Des fondements de l'État tels que nous les avons expliqués plus haut, il ressort avec la plus grande évidence que sa fin dernière n'est pas de dominer ni de tenir les hommes par la crainte, ni de les soumettre au droit d'un autre ; mais au contraire sa fin est de libérer chaque homme de la crainte, afin qu'il vive, autant que faire se peut, en sécurité, c'est-à-dire qu'il conserve le mieux possible son droit naturel à exister et à agir, sans danger pour lui et autrui. Non, dis-je, la fin de l'État n'est pas de transformer les hommes, êtres raisonnables, en bêtes ou en automates, mais au contraire de faire en sorte que leur esprit et leur corps accomplissent sans danger leurs fonctions, qu'eux-mêmes usent de leur libre Raison, qu'ils ne s'opposent pas par la haine, la colère ou la ruse, et se supportent mutuellement dans un esprit de justice. La fin de l'Etat est donc en réalité la liberté.
En outre, nous avons vu que pour former l'État, une seule chose était nécessaire : que tout le pouvoir de décider soit entre les mains, ou bien de toute la collectivité, ou de quelques-uns, ou d'un seul. En effet, comme le libre jugement des hommes est tout à fait divers et que chacun pense à lui seul tout savoir, et qu'il est impossible que tous pensent également la même chose, et parlent d'une seule voix, ils ne pourraient vivre en paix si chacun n'avait pas renoncé au droit d'agir selon le seul décret de sa pensée. C'est donc seulement au droit d'agir selon son propre décret que l'individu â renoncé, non au droit de raisonner et de juger ; par suite personne ne peut, sans danger pour le droit du pouvoir souverain, agir à l'encontre du décret de celui-ci, mais il peut totalement penser et juger, et par conséquent aussi s'exprimer, à condition cependant qu'il se contente de parler et d'enseigner, et de défendre son opinion par la seule Raison, sans introduire par la ruse, la colère et la haine, quelque mesure contraire à l'État qui ne ressortirait que de l'autorité de son propre vouloir.
Par exemple, si un citoyen montre qu'une loi contredit la saine Raison et pour cela estime qu'il faut l'abroger ; si, en même temps, il soumet son avis au jugement du pouvoir souverain à qui seul appartient le droit de fonder et d'abroger les lois, et s'il ne fait rien pendant ce temps de contraire à ce que prescrit cette loi, il mérite bien de l'État, et se comporte comme le meilleur des citoyens. Mais si, par contre, il agit ainsi pour faire accuser le magistrat d'injustice, et le rendre odieux à la foule, ou s'il s'efforce séditieusement d'abroger cette loi contre _ le gré du magistrat, il est assurément un perturbateur et un rebelle.
Nous voyons donc de quelle façon chacun peut dire et enseigner ce qu'il pense sans danger pour le droit et l'autorité du pouvoir souverain, c'est-à-dire sans danger pour la paix de l'État : i1 lui suffit de laisser au pouvoir souverain le soin de décréter sur toutes les décisions à prendre, et de ne rien faire contre ce décret, même si souvent il doit agir à l'encontre de ce qu'il juge et pense ouvertement bon. Voilà donc ce qu'il peut faire sans danger pour la justice et les valeurs sacrées".

Spinoza Traité théologico-politique , Livre XX

 

 

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