PHILOSOPHIE / qu'est-ce qu'un philosophe selon Pierre Hadot
Dans notre série Qu'est-ce
qu'un philosophe ?, un hommage de Roger Pol-Droit à Pierre Hadot.
Discret, presque effacé, Pierre Hadot, ce penseur singulier, pourrait bien être, en un sens, un des hommes influents de notre époque. Il n’a pourtant rien modifié dans aucun des registres où nous parlons habituellement d’influence-politique, économie, finance, communication. Son action est plus subtile, mais sans doute pas moins décisive, sur le long terme. Car Pierre Hadot, depuis une quarantaine d’années, transforme en profondeur notre conception de la philosophie.
On lui doit, dans ce domaine, un changement de perspective radical. Les philosophes, selon lui, ne construisent pas des châteaux d’idées pour le plaisir
de les contempler. Ils s’efforcent de les habiter pour sauver leur peau. Au lieu de concevoir la philosophie comme une activité purement théorique, il faudrait donc l’envisager comme une
transformation de soi, un entraînement pratique, quotidien, régulier, conduisant vers la sagesse, ou seulement un peu moins de folie.
Ce professeur au Collège de France a d’abord fait comprendre que les philosophes de l’Antiquité grecque et romaine n’étaient pas avant toute chose des faiseurs de livres. En écrivant, ils travaillaient en fait à changer leur regard sur le monde, sur eux-mêmes et sur leurs sentiments, afin de modifier leur propre existence. Même leurs spéculations les plus abstraites (en physique, en métaphysique, en astronomie) étaient destinées à comprendre pour mieux agir, et non pas à connaître pour connaître. Jour après jour, ces chercheurs de sagesse s’appliquaient à des « exercices spirituels », entraînements destinés à faire entrer dans le quotidien les principes de leur doctrine.
Roger Pol-Droit