La Philosophie à Paris

PREAMBULE 1 / Où en sommes nous avec notre époque ?

10 Décembre 2006, 02:20am

Publié par Le Cazals

Voilà tout ce que je peux te dire c’est d’écouter Krishnamurti (vidéo) ou de lire Nietzsche (plus rigoureusement). Nietzsche s’attaque à la même part de Platon que toi, sauf que lui la reporte sur Socrate alors que toi précisément tu essayes de détacher Socrate de Platon). Faire de la philosophie à partir des attitudes d’un mort et bien difficile surtout que Platon se l’est approprié comme son personnage conceptuel.

Je peux te mettre en équation ce que je dis je le dois en partie à mon amie Odile :

Voie européenne : Zarathoustra + Surhomme = Nietzsche comme prophète dionysiaque agencement collectif de penseurs hors de toute métaphysique-dialectique = Ni Deux ni Un = Ni Dieu ni homme.

 

Voie indienne : Krishnamurti + Sri Aurobindo (encore que Sri Aurobindo est tourné vers l’esprit) = déconditionnement et transfiguration intellectuelle. (l’échec indien est peut-être là parce que Sri Aurobindo en appelle à un stimulation intellectuelle)

Il n’est pas sûr pour ce que je connais de Mâ et de Sri Aurobindo que ce tourner vers l’esprit (pour Sri Aurobindo) ou la conscience (pour Krishnamurti) soit la bonne solution. En Europe et je te renvoie au livre d’Attali on a la chance d’avoir un penchant pour la création de nouveauté, simplement parce que la création suppose une prise de risque et un effort sur soi qui devent oubli de soi (le soi entendu comme énergie ou comme son ultime résistance, rien de plus). Avec le mot création il faut faire attention, je ne parle pas de la créativité des publicitaire, des couturier, des cuisiniers qui est un leurre bourgeois. Créer c’est se mettre dans un devenir fini et illimité suite à une événement qui a marqué votre existence ou votre sensibilité, créer c’est l’affection de soi par des intensités (ou auto-affection), de ce qui est en nous est porteur de joie ou anime la vie : j’entends ici la part de surhomme en chacun, la part du « peuple à venir » émulsifiée en chacun de nous auquel en appelle certains artistes : c’est avant tout une force, une énergie c’est pour cela qu’il ne faut pas raisonner en termes de formes (réflexion qui revient toujours au même) ou de personnes (jugement). On ni dans l’ordre du concret des faits humains (égoïsme et altruisme pour Nietzsche, peine et ennui pour Schopenhauer) mais dans le domaine des intensités impersonnelles qui de fait nous traversent (comme les neutrino ignorent). Souligonons bien car c’est de l’ordre du plus discret dans la pensée, les intensités avec les quelles tu abordes les événements et les faits, déterminent les idées qui vont s’activer en toi (par idée comprends les nombreuses intuitions). Tout cela te vient te venir en tête et produit chez toi des effets très corporels, proche de l’ivresse, du bonheur, d’une plénitude qui retombe heureusement. Pour l’exemple Einstein ressentait corporellement quelques jours avant qu’elles ne viennent les grandes intuitions qui ont marqué son existence. Ces intensités, (ce que Sancho nomme ivresse), ce sont ce que Deleuze appelle les singularités pré-personnelles mais elle ont avant tout avec l’ivresse dionysiaque qui surgit ou que je retrouve dans certains films (spécialement ceux que choisit Dustin Hoffmann comme Will hunting, le Cercle des poètes Disparus. Ce sont là des résonances avec mon parcours personnel. mais il y a quelque chose de l’ordre du tremplin dans ces film, des milles possibilités qu’offre l’existence notamment de saisir un vie intense. Ca foire à la fin, à cause du trop de romantisme du héros, de son décalage avec la vie qu’il ressent et celle qu’il peut vivre, dans le Cercle des poètes Disparus, mais le crossing-over, l’échange d’intensité qui font une rencontre opère dans Will Hunting. Personnellement je l’ai vécu avec quelqu’un à qui j’ai demandé, chose rare, de me donner encore dix ans d’attention, dix ans d’effort collectif, même si rien de commun n’est partagé. Sans lui je ne serai pas là, mais il a aussi formé quelqu’un comme François Zourabichvili qui malheureusement a emprunté une impasse (sur les trois voies qui s’offraient à lui mais je ne développe pas car tu ne l’as pas rencontré, il s’est coupé des deux qui lui restait, pour prendre de l’ampleur), le tragique de la vie c’est qu’il en est mort comme il aurait très bien pu s’en sortir, notamment en se penchant sur Nietzsche. Chose importante à dire, c’est Nietzsche qui a sorti Deleuze de huit années trou noir, pendant lesquelles entre autres Michel Tournier s’est occupé de lui. Michel Tournier disait au sujet de Deleuze avec qui il a vécu une « histoire d’amour » qu’un génie n’est pas viable, et c’est lui qui lui a présenté sa femme, Fanny. Voilà le non-dit, Sancho, de Deleuze, bien entendu il faudrait y ajouter la mort de son frère résistant pendant la guerre, la tuberculose qu’il a attrapé à ce moment-là. Mais au moins les choses sont dites. Deleuze a eu la politesse de ne pas rendre pathétique tout cela, d’avancer, de construire même s’il s’agit d’une Pensée de l’Un qui se déplie selon un plan d’immanence (c’est-à-dire une métaphysique). Il n’a pas rendu pathétique tout cela pour ne pas servir ses ennemis, en premier la bêtise mais aussi, les jaloux ou les sournois qui ne comprenait rien à l’affaire. Ce qui compte c’est l’expérimentation, ou l’oubli de soi qui est la marque de l’audace et du dynamisme, dimension que mettait en scène la tragédie grecque et que l’on retrouve, par exemple, dans le vertige que provoque sur le héros la pièce de théâtre finale dans Le cercle des poètes disparus principal. Mais à un moment donné les choses soit te propulse trop en l’air soit retombent comme toute intensité, ou les deux successivement. Chez Deleuze et Guattari on retrouve cela au niveau du corps-sans-organes qui prend de l’ampleur puis retombe non seulement comme corps intense mais aussi comme usage dans leur pensée. Le corps intensif, le corps énergétique, bref le corps-sans-organes est un corps tragique réussi car puissant et non vaincu. Mais ils étaient comme en apesanteur : le terme exact serait autonomie en ce qu’ils ont basculé dans l’événement hors de toute reconnaissance sociale, sans se faire voir, comme déconditionner socialement, à la fois singularisés l’un par l’autre et dépersonnalisés l’un par l’autre. A la question « Vous ne parlez jamais de la liberté dans vos livres, toi et Deleuze, qu’est-ce que ça veut dire pour toi la liberté ? »  Guattari répondait « qu’on ne nous fassent pas chier », c’est cela la liberté. Plus explicitement on pourrait dire à présent que Deleuze était conditionné par sa lecture de Spinoza et la lecture que Bergson faisait de Spinoza. Au fond, il était prisonnier du virtuel qu’il faut actualiser sans cesse comme les scientifiques kantiens tournent leur ascétisme vers la chose en soi qu’ils évident. Ce virtuel, comme Substance, comme Mémoire, puissance de l’Un. Deleuze avait beau partir de l’éternel retour comme instance sélective (le fini illimité, le devenir illimité ou imperceptible qui n’est pas éternel devenir ou errance que fustigeait Nietzsche), il brisait l’éternel retour en deux séries. Deleuze savait qu’il détournait Nietzsche puisqu’à la fin de son Foucault qui est son véritable testament, il anticipait sur une formation de l’avenir qu’on peut appeler pensée du Dehors ou pensée du Surpli (voir la fin d'article), mais qui passe par un surhomme qui peut se produire n’importe où, c’est n’est pas seulement un homme sans dieu c’est un collectif épars de penseurs qui s’auto-affectent comme Deleuze et Guattari se sont singularisés l’un l’autre à mesure qu’ils se sont dépersonnalisés l’un par l’autre. Se singulariser ce n’est pas se subjectiver au sens où l’entendant certains dialecticiens.

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