La Philosophie à Paris

Karl Marx par Engels

, 07:35am

Publié par La Philosophie

KARL MARX
par
Frederick Engels

 

Ecrit : mi-juin 1877 ;
Première publication : dans Volks-Kalender, Brunswick, 1878 ;
Source: Sur Marx;
Éditeur: Foreign Languages Press, Pékin (1975).
Consultable: Œuvres de Frederick Engels (1977).

Traduit: par Google  Capitaliste
Transcrit : par nos soins


Karl Marx, l’homme qui a été le premier à donner au socialisme, et donc à tout le mouvement ouvrier de notre époque, une fondation scientifique, est né à Trèves en 1818. Il étudia à Bonn et à Berlin, d’abord en prenant le droit, mais il se consacra bientôt exclusivement à l’étude de l’histoire et de la philosophie, et en 1842 était sur le point de s’établir comme professeur assistant de philosophie lorsque le mouvement politique qui avait surgi depuis la mort de Frédéric-Guillaume III orienta sa vie dans un canal différent. Avec sa collaboration, les dirigeants de la bourgeoisie libérale rhénane, les Camphausen, les Hansemann, etc., avaient fondé le Rheinische Zeitung à Cologne, et à l’automne 1842, Marx, dont la critique des travaux du Landtag rhénan (ou Diète provinciale) avait suscité une très grande attention, fut mis à la tête du journal. Le Rheinische Zeitung est naturellement apparu sous la censure, mais la censure n’a pas pu y faire face. [Le premier censeur du Rheinische Zeitung fut le conseiller de police Dolleschall, le même homme qui avait un jour rayé une publicité dans la Kölnische Zeittung de la traduction de la Divine Comédie de Dante par Philalethes (plus tard le roi Jean de Saxe) avec la remarque: « Il ne faut pas faire une comédie des affaires divines. » [Note d’Engels] Le Rheinische Zeitung a presque toujours fait passer les articles qui comptaient; le censeur a d’abord reçu du fourrage insignifiant pour qu’il puisse le frapper, jusqu’à ce qu’il cède lui-même ou soit qu’il soit contraint de céder par la menace que le journal n’apparaisse pas le lendemain. Dix journaux avec le même courage que le Rheinische Zeitung et dont les éditeurs auraient permis de dépenser quelques centaines de thalers supplémentaires pour la mise en forme de caractères – et la censure aurait été rendue impossible en Allemagne dès 1843. Mais les propriétaires de journaux allemands étaient des philistins mesquins et timides et le Rheinische Zeitung poursuivait seul la lutte. Il a usé un censeur après l’autre; finalement, il a fait l’objet d’une double censure; après la première censure, le Regierungspräsident avait une fois de plus, et finalement, de le censurer. Cela n’a pas non plus servi à grand-chose. Au début de 1843, le gouvernement déclara qu’il était impossible de contrôler ce journal et le supprima sans plus tarder.

Marx, qui entre-temps avait épousé la sœur de von Westphalen, plus tard ministre réactionnaire, s’installa à Paris et y publia, en collaboration avec A. Ruge, le Deutsch-Französische Jahrbücher, dans lequel il ouvrit la série de ses écrits socialistes par une Critique de la philosophie hégélienne de droite ; puis, avec F. Engels, La Sainte Famille. Contre Bruno Bauer and Co., une critique satirique de l’une des dernières formes maladroitement assumées par l’idéalisme philosophique allemand de l’époque.

L’étude de l’économie politique et de l’histoire de la Grande Révolution Français laissait encore suffisamment de temps à Marx pour des attaques occasionnelles contre le gouvernement prussien ; ce dernier se venge au printemps 1845 en obtenant du ministère Guizot — M. Alexander von Humboldt aurait agi comme intermédiaire — son expulsion de France. Marx déplaça son domicile à Bruxelles et y publia dans Français en 1847 La Pauvreté de la philosophie, une critique de la Philosophie de la pauvreté de Proudhon, et, en 1848, Discours sur le libre-échange. En même temps, il saisit l’occasion de fonder une société ouvrière allemande à Bruxelles et commença ainsi une agitation pratique. Ce dernier devint encore plus important pour lui lorsque lui et ses amis politiques rejoignirent en 1847 la Ligue communiste secrète, qui existait déjà depuis un certain nombre d’années. Toute sa structure était maintenant radicalement changée; cette association, qui était auparavant plus ou moins conspiratrice, s’est transformée en une simple organisation de propagande communiste, qui n’était secrète que parce que la nécessité l’obligeait à l’être, la première organisation du Parti social-démocrate allemand. La Ligue existait partout où se trouvaient les sociétés ouvrières allemandes ; dans presque toutes ces sociétés en Angleterre, en Belgique, en France et en Suisse, et dans de très nombreuses sociétés en Allemagne, les principaux membres appartenaient à la Ligue et la part de la Ligue dans le mouvement ouvrier allemand naissant était très considérable. De plus, notre Ligue a été la première à souligner le caractère international de l’ensemble du mouvement ouvrier et à le réaliser dans la pratique, qui avait des Anglais, des Belges, des Hongrois, des Polonais, etc., comme membres et qui organisait des réunions syndicales internationales, en particulier à Londres.

La transformation de la Ligue a eu lieu lors de deux congrès tenus en 1847, dont le second a décidé de l’élaboration et de la publication des principes fondamentaux du Parti dans un manifeste qui sera rédigé par Marx et Engels. C’est ainsi qu’est né le Manifeste du Parti communiste, qui est apparu pour la première fois en 1848, peu avant la Révolution de Février, et a depuis été traduit dans presque toutes les langues européennes.

La Deutsche-Brüsseler-Zeitung, à laquelle Marx a participé et qui a exposé sans pitié les bénédictions du régime policier de la Patrie, a amené le gouvernement prussien à tenter d’expulser Marx une fois de plus, mais en vain. Cependant, lorsque la Révolution de Février a donné lieu à des mouvements populaires à Bruxelles et qu’un changement radical semblait imminent en Belgique, le gouvernement belge a arrêté Marx sans cérémonie et l’a déporté. Entre-temps, le gouvernement provisoire Français lui avait envoyé une invitation par l’intermédiaire de Flocon à retourner à Paris, et il accepta cet appel.

À Paris, il s’est particulièrement opposé à l’escroquerie, répandue parmi les Allemands là-bas, de vouloir former les travailleurs allemands en France en légions armées afin de porter la révolution et la république en Allemagne. D’une part, l’Allemagne devait faire elle-même sa révolution et, d’autre part, toute légion étrangère révolutionnaire formée en France était trahie à l’avance par les Lamartines du gouvernement provisoire au gouvernement qui devait être renversé, comme cela s’est produit en Belgique et à Baden.

Après la Révolution de Mars, Marx se rendit à Cologne et y fonda la Neue Rheinische Zeitung, qui exista du 1er juin 1848 au 19 mai 1849 – le seul journal qui représentait le point de vue du prolétariat au sein du mouvement démocratique de l’époque, comme le montre son championnat sans réserve des insurgés de Paris de juin 1848, ce qui a coûté au journal la défection de la quasi-totalité de ses actionnaires. En vain, le Kreuz-Zeitung a souligné « l’impudence chimborazo » avec laquelle la Neue Rheinische Zeitung attaquait tout ce qui était sacré, du roi et vice-régent du royaume jusqu’au gendarme, et cela aussi dans une forteresse prussienne avec une garnison de 8 000 personnes à l’époque. En vain, la rage des philistins libéraux rhénans, devenus soudain réactionnaires. En vain, le journal fut suspendu par la loi martiale à Cologne pendant une longue période à l’automne 1848. En vain, le ministère de la Justice du Reich à Francfort a dénoncé article après article au procureur de Cologne afin que des poursuites judiciaires soient engagées. Sous les yeux mêmes de la police, le journal continua calmement à être édité et imprimé, et sa distribution et sa réputation augmentèrent avec la véhémence de ses attaques contre le gouvernement et la bourgeoisie. Lorsque le coup d’État prussien eut lieu en novembre 1848, la Neue Rheinische Zeitung appela le peuple, à la tête de chaque numéro, à refuser de payer des impôts et à affronter la violence par la violence. Au printemps de 1849, tant pour ce compte qu’à cause d’un autre article, il fut fait face à un jury, mais à chaque fois il fut acquitté. Enfin, lorsque les soulèvements de mai 1849 à Dresde et dans la province du Rhin eurent été réprimés, et que la campagne prussienne contre le soulèvement du Bade-Palatinat eut été inaugurée par la concentration et la mobilisation de masses considérables de troupes, le gouvernement se crut assez fort pour réprimer la Neue Rheinische Zeitung par la force. Le dernier numéro – imprimé à l’encre rouge – est paru le 19 mai.

Une tentative de continuer à publier la Neue Rheinische Zeitung sous la forme d’une revue (à Hambourg, 1850) a dû être abandonnée après un certain temps en raison de la violence toujours croissante de la réaction. Immédiatement après le coup d’État en France en décembre 1851, Marx publie Le Dix-huitième Brumaire de Louis Bonaparte (New York, 1852 ; deuxième édition, Hambourg, 1869, peu avant la guerre). En 1853, il écrivit Revelations About the Cologne Communist Trial (d’abord imprimé à Bâle, plus tard à Boston, et de nouveau récemment à Leipzig).

Après la condamnation des membres de la Ligue communiste de Cologne, Marx se retire de l’agitation politique et se consacre pendant dix ans, d’une part, à l’étude des riches trésors offerts par la bibliothèque du British Museum dans le domaine de l’économie politique et, d’autre part, à écrire pour le New York Tribune. , qui jusqu’au déclenchement de la guerre de Sécession a publié non seulement des contributions signées par lui, mais aussi de nombreux articles de premier plan de sa plume sur les conditions en Europe et en Asie. Ses attaques contre Lord Palmerston, basées sur une étude exhaustive des documents officiels britanniques, ont été réimprimées à Londres sous forme de pamphlet.

Premier fruit de ses nombreuses années d’études d’économie, parut en 1859 A Contribution to the Critique of Political Economy, Part I (Berlin, Duncker). Cet ouvrage contient la première exposition cohérente de la théorie marxiste de la valeur, y compris la doctrine de l’argent. Pendant la guerre d’Italie, Marx, dans le journal allemand Das Volk, paru à Londres, attaqua le bonapartisme, qui à l’époque se présentait comme libéral et jouant le rôle de libérateur des nationalités opprimées, ainsi que la politique prussienne de l’époque, qui, sous couvert de neutralité, cherchait à pêcher dans des eaux troubles. À cet égard, il fallait attaquer aussi M. Karl Vogt, qui à cette époque, à la demande du prince Napoléon (Plon Plon) et à la solde de Louis Napoléon, poursuivait l’agitation pour la neutralité, et même la sympathie, de l’Allemagne. Quand Vogt lui imposa les calomnies les plus abominables et délibérément fausses, Marx répondit avec Herr Vogt (Londres, 1860), dans lequel Vogt et les autres messieurs de la bande impérialiste fausse-démocratique furent exposés, et Vogt lui-même sur la base de preuves externes et internes fut reconnu coupable d’avoir accepté des pots-de-vin de l’empire de décembre. La confirmation est venue à peine dix ans plus tard: dans la liste des loueurs bonaparte, trouvée aux Tuileries en 1870 et publiée par le gouvernement de septembre, il y avait l’entrée suivante sous la lettre V: « Vogt - en août 1859, il lui a été remis - Frs. 40 000. »

Enfin, en 1861 parut dans Hamburg Capital, une Analyse critique de la production capitaliste, volume I, l’ouvrage principal de Marx, qui expose les fondements de ses conceptions socialistes économiques et les principales caractéristiques de sa critique de la société existante, du mode de production capitaliste et de ses conséquences. La deuxième édition de cet ouvrage d’époque parut en 1872 ; l’auteur est engagé dans l’élaboration du deuxième volume.

Entre-temps, le mouvement ouvrier dans divers pays d’Europe avait jusqu’à présent repris de la force que Marx pouvait envisager l’idée de réaliser un souhait longtemps chéri: la fondation d’une Association ouvrière englobant les pays les plus avancés d’Europe et d’Amérique, qui démontrerait corporellement, pour ainsi dire, le caractère international du mouvement socialiste à la fois aux travailleurs eux-mêmes et aux bourgeois et aux gouvernements - pour l’encouragement et le renforcement du prolétariat, pour avoir semé la peur dans le cœur de ses ennemis. Une réunion de masse en faveur de la Pologne, qui venait alors d’être à nouveau écrasée par la Russie, tenue le 28 septembre 1864 au St. Martin’s Hall de Londres, fut l’occasion de faire avancer la question, qui fut abordée avec enthousiasme. L’Association internationale des travailleurs a été fondée; un Conseil général provisoire, dont le siège est à Londres, a été élu lors de la réunion, et Marx en a été l’âme comme de tous les conseils généraux ultérieurs jusqu’au Congrès de La Haye. Il rédige presque tous les documents publiés par le Conseil général de l’Internationale, du discours inaugural de 1864 au discours sur la guerre civile en France en 1871. Décrire l’activité de Marx dans l’Internationale, c’est écrire l’histoire de cette Association, qui de toute façon vit encore dans la mémoire des travailleurs européens.

La chute de la Commune de Paris a mis l’Internationale dans une position impossible. Elle a été propulsée au premier plan de l’histoire européenne à un moment où elle avait partout été privée de toute possibilité d’action pratique réussie. Les événements qui l’ont élevée à la position de septième grande puissance lui interdisaient simultanément de mobiliser ses forces combattantes et de les employer dans l’action, sous peine de défaite inévitable et de recul du mouvement ouvrier pendant des décennies. En outre, de divers côtés, des éléments se poussaient vers l’avant qui cherchaient à exploiter la renommée soudainement accrue de l’Association dans le but de satisfaire la vanité personnelle ou l’ambition personnelle, sans comprendre la position réelle de l’Internationale ou sans tenir compte de celle-ci. Une décision héroïque devait être prise, et c’est encore Marx qui l’a prise et qui l’a prise et qui l’a prise au Congrès de La Haye. Dans une résolution solennelle, l’Internationale a décliné toute responsabilité pour les agissements des Bakouninistes, qui formaient le centre de ces éléments déraisonnables et peu recommandables. Puis, compte tenu de l’impossibilité de satisfaire, face à la réaction générale, les exigences accrues qui lui étaient imposées, et de maintenir sa pleine efficacité autrement que par une série de sacrifices qui auraient vidé le mouvement ouvrier de son sang vital - au vu de cette situation, l’Internationale s’est retirée de la scène pour le moment en transférant le Conseil général en Amérique. Les résultats ont prouvé à quel point cette décision était correcte – qui était à l’époque, et a été depuis, si souvent censurée. D’une part, il a mis un terme alors et de toutes les tentatives de faire des putschs inutiles au nom de l’Internationale, tandis que, d’autre part, les rapports étroits et continus entre les partis ouvriers socialistes des différents pays ont prouvé que la conscience de l’identité des intérêts et de la solidarité du prolétariat de tous les pays évoquée par l’Internationale est capable de s’affirmer même sans le lien de une association internationale formelle, qui pour l’instant était devenue un obstacle. 

Après le Congrès de La Haye, Marx retrouva enfin la paix et le loisir pour reprendre son travail théorique, et il faut espérer qu’il pourra bientôt avoir le deuxième volume du Capital prêt pour la presse.

Parmi les nombreuses découvertes importantes par lesquelles Marx a inscrit son nom dans les annales de la science, nous ne pouvons ici nous attarder que sur deux. 

La première est la révolution qu’il a apportée dans toute la conception de l’histoire du monde. Toute la vision antérieure de l’histoire était basée sur la conception que les causes ultimes de tous les changements historiques doivent être recherchées dans les idées changeantes des êtres humains, et que de tous les changements historiques, les changements politiques sont les plus importants et dominent l’ensemble de l’histoire. Mais la question n’a pas été posée de savoir d’où les idées viennent dans l’esprit des hommes et quelles sont les causes profondes des changements politiques. Ce n’est que sur la nouvelle école de Français, et en partie aussi de l’anglais, que les historiens ont eu la conviction que, depuis le Moyen Âge au moins, la force motrice de l’histoire européenne était la lutte de la bourgeoisie en développement avec l’aristocratie féodale pour la domination sociale et politique. Maintenant, Marx a prouvé que toute l’histoire antérieure est une histoire de luttes de classe, que dans toutes les luttes politiques multiples et compliquées, la seule chose en jeu a été la domination sociale et politique des classes sociales, le maintien de la domination par les classes plus anciennes et la conquête de la domination par les classes nouvellement émergentes. Mais à quoi ces classes doivent-elles leur origine et leur existence ? Ils le doivent aux conditions matérielles et physiquement sensibles particulières dans lesquelles la société à une période donnée produit et échange ses moyens de subsistance. La domination féodale du Moyen Âge reposait sur l’économie autosuffisante des petites communautés paysannes, qui produisaient elles-mêmes presque toutes leurs exigences, dans lesquelles il n’y avait presque pas d’échange et à laquelle la noblesse armée prêtait une protection contre l’absence et la cohésion nationale ou au moins politique. Lorsque les villes sont apparues et avec elles une industrie artisanale et commerciale séparée, d’abord internes et plus tard internationales, la bourgeoisie urbaine s’est développée, et déjà au Moyen Âge a réalisé, dans la lutte avec la noblesse, son inclusion dans l’ordre féodal comme un domaine privilégié. Mais avec la découverte du monde extra-européen, à partir du milieu du XVe siècle, cette bourgeoisie a acquis une sphère de commerce beaucoup plus étendue et donc un nouvel élan pour son industrie; dans les branches les plus importantes, l’artisanat a été supplanté par la fabrication, maintenant à l’échelle de l’usine, et cela a de nouveau été supplanté par la grande industrie, qui était devenue possible grâce aux découvertes du siècle précédent, en particulier celle de la machine à vapeur. La grande industrie, à son tour, a réagi au commerce en chassant l’ancien travail manuel dans les pays arriérés et en créant les nouveaux moyens de communication actuels: machines à vapeur, chemins de fer, télégraphie électrique, dans les plus développés. Ainsi, la bourgeoisie en vint de plus en plus à combiner richesse sociale et pouvoir social entre ses mains, alors qu’elle restait encore longtemps exclue du pouvoir politique, qui était entre les mains de la noblesse et de la monarchie soutenues par la noblesse. Mais à un certain stade – en France depuis la Grande Révolution – il a également conquis le pouvoir politique, et est maintenant devenu à son tour la classe dirigeante sur le prolétariat et les petits paysans. De ce point de vue, tous les phénomènes historiques sont explicables de la manière la plus simple possible — avec une connaissance suffisante de la condition économique particulière de la société, ce qui, il est vrai, fait totalement défaut à nos historiens professionnels, et de la même manière les conceptions et les idées de chaque période historique doivent être expliquées le plus simplement à partir des conditions économiques de la vie et des relations sociales et politiques de l’époque, qui sont à leur tour déterminés par ces conditions économiques. L’histoire a été pour la première fois placée sur sa base réelle; le fait palpable mais jusque-là totalement négligé que les hommes doivent d’abord manger, boire, avoir un abri et des vêtements, et donc travailler, avant de pouvoir se battre pour la domination, poursuivre la politique, la religion, la philosophie et ainsi de suite – ce fait palpable est enfin entré dans ses droits historiques. Cette nouvelle conception de l’histoire, cependant, était d’une importance suprême pour la perspective socialiste. Il a montré que toute l’histoire précédente avait évolué dans les antagonismes de classe et les luttes de classe, qu’il y a toujours eu des classes dirigeantes et gouvernées, exploiteuses et exploitées, et que la grande majorité de l’humanité a toujours été condamnée à un travail pénible et à peu de jouissance. Pourquoi ? Tout simplement parce que dans tous les premiers stades de développement de l’humanité, la production était si peu développée que le développement historique ne pouvait se dérouler que sous cette forme antagoniste, que le progrès historique dans son ensemble était assigné à l’activité d’une petite minorité privilégiée, tandis que la grande masse restait condamnée à produire par leur travail leurs propres maigres moyens de subsistance et aussi les moyens de plus en plus riches des privilégiés. Mais la même enquête sur l’histoire, qui fournit ainsi une explication naturelle et raisonnable de la règle de classe précédente, autrement seulement explicable par la méchanceté de l’homme, conduit également à la réalisation que, en conséquence des forces productives considérablement accrues du temps présent, même le dernier prétexte a disparu pour une division de l’humanité en ruIers et gouverné, exploiteurs et exploités, du moins dans les pays les plus avancés; que la grande bourgeoisie dirigeante a rempli sa mission historique, qu’elle n’est plus capable de diriger la société et qu’elle est même devenue un obstacle au développement de la production, comme l’ont prouvé les crises commerciales, et surtout le dernier grand effondrement, et la dépression de l’industrie dans tous les pays; que la direction historique est passée au prolétariat, une classe qui, en raison de toute sa position dans la société, ne peut se libérer qu’en abolissant complètement toute domination de classe, toute servitude et toute exploitation; et que les forces productives sociales, qui ont dépassé le contrôle de la bourgeoisie, n’attendent que le prolétariat associé pour en prendre possession pour parvenir à un état de choses dans lequel chaque membre de la société pourra participer non seulement à la production, mais aussi à la distribution et à l’administration des richesses sociales, et qui augmente ainsi les forces productives sociales et leur rendement par le fonctionnement planifié de l’ensemble de la production que la satisfaction de tous les besoins raisonnables sera assurée à tous dans une mesure toujours croissante.

La deuxième découverte importante de Marx est l’élucidation finale de la relation entre le capital et le travail, en d’autres termes, la démonstration comment, dans la société actuelle et sous le mode de production capitaliste existant, l’exploitation du travailleur par le capitaliste a lieu. Depuis que l’économie politique a avancé la proposition que le travail est la source de toute richesse et de toute valeur, la question est devenue inévitable : comment cela peut-il alors être concilié avec le fait que le salarié ne reçoit pas toute la somme de valeur créée par son travail mais doit en céder une partie au capitaliste ? Tant les économistes bourgeois que les socialistes se sont efforcés de donner une réponse scientifiquement valable à cette question, mais en vain, jusqu’à ce que Marx propose enfin la solution. Cette solution est la suivante : Le mode de production capitaliste actuel présuppose l’existence de deux classes sociales – d’une part, celle des capitalistes, qui sont en possession des moyens de production et de subsistance, et, d’autre part, celle des prolétaires, qui, étant exclus de cette possession, n’ont qu’une seule marchandise à vendre, leur force de travail, et qui doivent donc vendre cette force de travail qui est la leur pour obtenir la possession de moyens de subsistance. La valeur d’une marchandise est cependant déterminée par la quantité socialement nécessaire de travail incarnée dans sa production et, par conséquent, aussi dans sa reproduction; la valeur de la force de travail d’un être humain moyen au cours d’un jour, d’un mois ou d’une année est donc déterminée par la quantité de travail incorporée dans la quantité de moyens de subsistance nécessaires au maintien de cette force de travail au cours d’une journée, d’un mois ou d’une année. Supposons que les moyens de subsistance d’un travailleur pendant une journée nécessitent six heures de travail pour sa production, ou, ce qui est la même chose, que le travail qu’ils contiennent représente une quantité de travail de six heures; alors la valeur de la force de travail pour une journée sera exprimée en une somme d’argent qui incarne également six heures de travail. Supposons en outre que le capitaliste qui emploie notre ouvrier lui paie cette somme en retour, lui paie, par conséquent, la pleine valeur de sa force de travail. Si maintenant l’ouvrier travaille six heures par jour pour le capitaliste, il a complètement remplacé la dépense de ce dernier – six heures de travail pour six heures de travail. Mais alors il n’y aurait rien dedans pour le capitaliste, et ce dernier voit donc la question tout à fait différemment. Il dit: J’ai acheté la force de travail de ce travailleur non pas pour six heures, mais pour une journée entière, et en conséquence il fait travailler le travailleur 8, 10, 12, 14 heures ou plus, selon les circonstances, de sorte que le produit des septième, huitième heures et suivantes est un produit du travail non rémunéré et erre, pour commencer, dans la poche du capitaliste. Ainsi, l’ouvrier au service du capitaliste non seulement reproduit la valeur de sa force de travail, pour laquelle il reçoit un salaire, mais au-delà de cela, il produit aussi une plus-value qui, appropriée en premier lieu par le capitaliste, est dans son cours ultérieur divisé selon des lois économiques définies entre toute la classe capitaliste et forme le stock de base d’où naît la rente foncière, le profit, l’accumulation du capital, bref, toute la richesse consommée ou accumulée par les classes non laborieuses. Ceci, cependant, a prouvé que l’acquisition de richesses par les capitalistes d’aujourd’hui consiste tout autant dans l’appropriation du travail non rémunéré des autres que celle du propriétaire d’esclaves ou du seigneur féodal exploitant le travail des serfs, et que toutes ces formes d’exploitation ne doivent être distinguées que par la différence de manière et de méthode par laquelle le travail non rémunéré est approprié. Cependant, cela a également supprimé la dernière justification de toutes les phrases hypocrites des classes possédantes selon lesquelles, dans l’ordre social actuel, le droit et la justice, l’égalité des droits et des devoirs et une harmonie générale des intérêts prévalent, et a exposé la société bourgeoise actuelle, pas moins que ses prédécesseurs, comme une institution grandiose pour l’exploitation de l’immense majorité du peuple par une petite, minorité de plus en plus réduite.

Le socialisme moderne et scientifique est basé sur ces deux faits importants. Dans le deuxième volume de Capital, ces découvertes scientifiques et d’autres à peine moins importantes concernant le système capitaliste de la société seront développées davantage, et ainsi les aspects de l’économie politique non abordés dans le premier volume subiront également une révolution. Qu’il soit garanti à Marx de pouvoir bientôt le préparer pour la presse.