La Philosophie à Paris

AUTONOMIE ET HIERARCHIE 21 / De Nietzsche à Kant : l’autonomie en Procès

18 Mars 2018, 20:27pm

Publié par Anthony Le Cazals

De Nietzsche à Kant : l’autonomie en Procès
Variations sur les ambiguïtés du concept d’autonomie : polysémie et utilisation dans différents registres de la pensée et des pratiques sociales
 
Il est de prime abord loisible de constater le fait que nous avons affaire ici à un concept, à la fois polémique et libérateur, dont le déploiement souvent impulsif aiguille toute personne avide d’autodétermination, de liberté, de choix d’action, voire d’autarcie, face à l’engrenage d’un quotidien souterrainement régi par une logique de domination et de répression.  La question de l’autonomie toucherait dans cette optique l’être humain au plus vif de sa chair, mais ceci pour des raisons multiples, voire contradictoires qu’il y a hic et nunc tout lieu de démêler.  L’autonomie peut se définir d’abord négativement par rapport à ce qui s’oppose à l’immunité de la personne, et s’entend alors comme refus de l’injustice, de la barbarie, de la violence et de toute subjugation ouvertement commanditaire ou de manipulation subtile, là où ‘‘l’ordre stipulé’’ « commande, (…) ordonne des comportements et les régularise. »1
Cette puissance pourrait s’entendre dans un sens cartésien où les hommes ont la volonté et la possibilité d’agir « (…) comme maîtres et possesseurs de la nature »
  Ce concept d’autonomie peut s’entendre aussi positivement au besoin de déploiement de soi comme persistance et progrès dans l’existence en vue d’accroître et d’intensifier réflexivité et énergie de puissance. 
2                                                   1 Lefebvre, H., La vie quotidienne dans le monde moderne, éd. Idées/Gallimard, 1968, p. 121. 2 Descartes, René, Discours de la méthode, suivi des Méditations, présentation et annotation par F. Misrachi, coll.10/18, 1970, 6 ème partie, p. 74. , tout comme elle pourrait cadrer,  dans le sillon de la
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pensée nietzschéenne, avec le sens de la « liberté de la volonté » par quoi est désigné l’état de celui qui, non seulement veut mais ordonne et exécute simultanément. « Un homme qui veut commande en lui-même à quelque chose qui obéit ou dont il se croit obéi. »3 Autonomie signifie ici triomphe des résistances, commandement, jouissance d’une supériorité, mais aussi « discipline » par rapport à soi et à son but propre : « Celui qui ne peut pas se commander à soi-même doit obéir. Et s’il en est qui savent se commander, il s’en faut encore de beaucoup qu’ils sachent aussi obéir ! »4
Il serait utile de rappeler ici, à la suite de Herbert Marcuse, que « (…) la philosophie bourgeoise avait placé l’autonomie de la personne au centre de sa théorie : la doctrine kantienne de la liberté ne constitue que l’expression la plus claire et la plus haute d’une tendance qui se manifestait depuis le traité de Luther sur la liberté du chrétien. »
 (Z., 3ème partie, §4). Et à Nietzsche de préciser que même la ‘‘populace’’ peut, au nom d’une certaine idée de l’autonomie, refuser d’obéir pour vivre : « Celui qui fait partie de la populace veut vivre pour rien ; mais nous autres, à qui la vie s’est donnée, nous réfléchissons toujours à ce que nous pourrions donner de mieux en échange ! » (Z., 3ème partie, § 5). Ne peut-il pas y avoir alors une ‘‘autonomie’’ servile ou une indépendance, mais de sens nul, celle justement que revendique la populace qui « veut vivre pour rien » ?
5 Il y a là une mise à nu de la nature de toute relation d’autorité qui signifie ici, du côté de la personne humaine, une relation d’hétéronomie en tant qu’elle porte atteinte ‘‘aux racines de la liberté humaine’’. C’est en pointant ce problème de ‘‘l’hétéronomie externe’’ que Kant accorde à ‘‘l’autonomie interne’’ un sens proprement moral. « L’autonomie de la volonté, écrit-il, est l’unique principe de toutes les lois morales et des devoirs conformes à ces lois (…) La loi morale n’exprime donc pas autre chose que l’autonomie de la raison pure pratique, c’est-à-dire de la liberté… »6
                                                   3 Nietzsche, Fr., Par-delà bien et mal, § 19, trad. fr. de C. Heim, éd. Idées/Gallimard, 1973, p.32. 4 Id., Ainsi Parlait Zarathoustra , 3ème partie, § 4.  5 Marcuse, H., Pour une théorie critique de la société, trad. fr. par C. Heim, éd. Denoël/Gonthier, Paris, 1971, p.10. 6 Kant, E., Critique de la raison pratique, 1 ère partie, § 8, théorème IV, coll., folio/essais, éd. Gallimard, 1985, p.57. 
 Soulignons en outre que le concept d’autonomie, chez Kant, est plus large et plus fondamental que le concept de liberté, puisque l’autonomie signifie le respect de la loi morale laquelle fonde la liberté et non l’inverse. Commentant la morale kantienne,
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Gerhard Krüger écrit dans Critique et morale chez Kant : « L’analyse de la moralité a mis en relief que l’autonomie est le concept central de la morale. L’autonomie est le mode d’  « existence» de tout ce qui est moral. Or, dans la mesure où la morale est la fin directrice de toute expérience vivante le concept d’autonomie renferme en même temps la solution du problème anthropologique et du problème métaphysique de la philosophie : il dit comment l’homme et sa métaphysique « existent » en vérité, c’est-à-dire selon leur destination. »7 Notons par ailleurs qu’il y a un sens étymologique qui donne le terme autonomie comme terme composé de ‘’auto’’ - qui veut dire « soi-même, luimême » - et nomos, qui veut dire dans le registre grec, loi du cosmos ou de la Phûsis, loi diffuse, invisible et insaisissable. C’est là où l’apport nietzschéen nous paraît fort singulier. En effet, si on reconnaît à Nietzsche son retour aux grands Grecs dont la connaissance, disait-il, a été son ‘‘éducatrice’’ - (Mes ancêtres, disait Nietzsche, sont Héraclite et Empédocle…)
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Est-il besoin de rappeler que la Phûsis grecque comporte un sens  primitif – simple et profond – cela même dont témoigne chacune des choses naturelles qui « (…) possède en elle-même un principe de mouvement et d’arrêt »
 -, c’est par ce côté où son monde n’est pas enclos dans la loi morale ou dans une intériorité fermée sur elle-même, mais ouvert à toutes les perspectives qui deviennent pour lui acquiescement dionysiaque, jaillissement organique de toutes les constellations que présente un être ‘‘cruel’’ dont la prodigalité coïncide avec l’affirmation de la vie. 
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Dans Par-delà bien et mal, Nietzsche souligne la pluralité des sentiments qui habitent tout vouloir : « dans tout vouloir, il y a d’abord une pluralité de sentiments, à savoir le sentiment de l’état dont on part, le sentiment de l’état vers lequel on va, le sentiment de ce ‘’dont on part’’ et de ce ‘’vers lequel on va’’ eux-mêmes, et encore un sentiment musculaire concomitant qui
. Le monde qui s’offre à Nietzsche est à l’image de l’arbre dont il se plaît d’évoquer la symbolique, particulièrement dans son Zarathoustra : « Ainsi s’offrit à moi le monde : - comme si un arbre me faisait signe, un arbre à larges branches, vigoureux (…) ainsi le monde était placé sur mon promontoire. » 
                                                   7 Krüger, Gerhard, Critique et morale chez Kant, trad. fr. par M. Regnier, préface d’Eric Weil, éd. Beauchesne, 1961, p. 159. 8 Nietzsche, Fr.,  La naissance de la philosophie à l’époque de la tragédie grecque, trad. fr. par G. Bianquis, éd. Idées/Gallimard, 1938, p. 16-18. 9 Aristote, Physique, II, 1, 192 b, 10-15, trad. fr . par P. Pellegrin, éd. GF, 2000, p.116.
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commence à entrer en jeu, par une sorte d’habitude, dès que nous ‘’voulons’’, quand bien même nous n’agitons pas ‘’bras et jambes’’.(…) la volonté n’est pas seulement un complexe de sentir et de penser, mais encore et surtout un affect : et plus précisément cet affect qu’est celui du commandement. »10 Relevons enfin que le concept d’autonomie a été utilisé dans les sciences sociales, où il a fonctionné, là aussi, autour de l’idée de clôture d’un côté et de l’idée d’ouverture d’un autre côté. Dans son livre L’Institution imaginaire de la société, Cornélius Castoriadis distingue entre « L’autonomie-clôture » où le social « se ferme sur soi, rendant inconcevables tout sens, toute réponse qui ne  soient institués », et « l’autonomie-ouverture et révolutionnaire » où la société engendre elle-même son sens et son auto-création permanente » (§19)  11 Il y a lieu de remarquer à la suite de Félix Guattari, auteur de La révolution moléculaire, que la question de « l’autonomie possible » fait buter contre les tournures les plus catastrophiques des luttes sociales de par son inscription au sein « (…) du problème central, mal nommé et malmené depuis si longtemps : celui de l’action de masse. » Félix Guattari précise encore que tout projet d’autonomie à venir  « (…) revient toujours aux trois encerclements fondamentaux : - celui de la répression sociale, - celui de la segmentarité groupusculaire, -celui du surinvestissement inconscient de ‘‘l’idéal de groupe’’, qui tend à prendre, dans des situations de clandestinité, des proportions monstrueuses. »
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S’il est vrai que Kant et Nietzsche se rallient l’un et l’autre aux penseurs des Lumières, leur point de rencontre et même leur affinité nous semblent se
 
C’est dire combien la notion d’autonomie est plurivoque et contradictoire, se prêtant par là à des utilisations dont les intentions sont multiples et différentes. Si nous tâchons de penser ce concept dans le cadre des Lumières, en rapport singulièrement avec le texte kantien bien connu Réponse à la question : Qu’est-ce que les Lumières ?, force est de pointer l’absence de ce concept dans cet écrit de 1784, alors que ce même concept qui refait surface juste un ans après dans Fondements de la métaphysique des mœurs,  va faire encore fortune en 1788, en constituant le pivot de la philosophie pratique telle qu’elle a été élaborée dans la deuxième Critique.
                                                   10 Nietzsche, Par-delà bien et mal, trad. fr. P. Wotling, § 19. 11 Castoriadis, C., L’institution imaginaire de la société, éd. Le Seuil, Paris, 1975, p. 147. 12 Guattari, Félix, La révolution moléculaire, éd. Recherches, coll. 10/18, 1977, p. 209.
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situer en dehors du concept d’autonomie, et fonctionner singulièrement par rapport au texte de 1784 – plutôt en rapport avec d’autres concepts et une autre problématique. Relevons les concepts clefs qui jalonnent le texte kantien, celui de 1784 : il y est question de ‘’résolution‘’, de ‘’courage’’, de ‘’liberté’’, de critique de la ‘’paresse’’ et de la ‘’lâcheté’’, et d’une démystification des institutions qui maintiennent l’ordre de la servitude et de la soumission : Église, État, établissements scolaires et universitaires… Or, cette critique kantienne à l’endroit de ces lieux sociaux et historiques nous la retrouvons chez Nietzsche. En effet, à la devise des Lumières rappelée par Kant dès le premier paragraphe du texte de 1784 « Aie le courage de te servir de ton propre entendement »13, semble répondre d’une façon claire l’appel nietzschéen adressé à ceux qui savent déchiffrer l’énigme du Sphinx. « Personne, disait Nietzsche, ne peut bâtir à ta place le pont qu’il te faudra toimême franchir sur le fleuve de la vie – personne, hormis toi. »14 Plus patente est la rencontre Kant/Nietzsche pour dénoncer les méfaits de la lâcheté : les lâches « te flattent comme on flatte un dieu ou un diable (…) c’est ainsi qu’agit toujours la ruse des lâches (…) tu leur es toujours suspect ! Tout ce qui donne beaucoup à penser devient suspect. »   15 C’est plutôt le courage du génie qui lui garantit le pouvoir de conduire ses « (…) pensées aux trois abîmes de la tragédie, qui ont nom ‘‘Illusion’’, ‘‘Vouloir’’ (et) ‘‘Douleur’’.»16  Ces trois abîmes ou figures peuvent avoir pour seul nom commun la ‘‘bravoure’’ : « Cette bravoure et ces dernières qualités, écrit Nietzsche, sont l’autre gage de mes espérances. »17 Un autre point de rencontre non moins significatif est la critique de l’institution scolaire et, surtout, universitaire. Rappelons ce que Kant écrit au deuxième paragraphe de l’écrit de 1784 : « Il est si commode d’être sous tutelle. Si j’ai un livre qui a de l’entendement à ma place… »  18
                                                   13 Kant,  « Réponse à la question : Qu’est-ce que ‘‘les Lumières’’ ? », 3, dans   La philosophie de l’histoire (Opuscules), éd. Gonthier, 1972, p.46. 14 Nietzsche, Considérations Inactuelles III et IV,  tome II,  § 1, éd. Gallimard, 1988, p.19. 15 Ainsi parlait Zarathoustra, 1 ère partie, Des mouches de la place publique. 16 « Dédicace à Richard Wagner », dans  La naissance de la tragédie, trad. fr. par M. Haar.., éd. Gallimard, 1977, F. Posth., 11[1], p.425.  17 Ib., op. cit. p. 427.  18 Kant, « Réponse à la question : Qu’est-ce que ‘‘les Lumières’’ ? », VIII, 35, dans  Vers la paix perpétuelle, trad . J.-F. Poirier et F. Proust, éd. GF, 1991, p. 43. 

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Or, cette critique kantienne des institutions fonctionnant comme tutelle du savoir, il est notoire de la retrouver chez Nietzsche, mais cette fois-ci en rapport avec une critique de la notion d’autonomie en tant qu’elle fonctionne comme hypocrisie dissimulant l’intraitable puissance de l’Etat : « Quant au professeur, il parle à ces étudiants qui l’écoutent.(…) – Voilà l’appareil académique extérieur, voilà la machine à culture de l’Université mise en activité. Pour tout le reste le possesseur de cette bouche est séparé et indépendant des détenteurs des nombreuses oreilles : et cette double autonomie est loué avec exaltation sous le nom de ‘’liberté académique’’. Du reste l’un – pour que cette liberté soit encore accrue – peut dire à peu près ce que veut, l’autre, entendre à peu près ce qu’il veut : à ceci près que derrière ces deux groupes à une distance convenable se tient l’État avec la mine tendue du surveillant, pour rappeler de temps à autre que c’est lui le but, la fin et la quintessence de ces étranges procédures de parole et d’audition. »19 Cette critique de l’institution universitaire, qui touche à l’État et à ses ‘‘mines impérieuses’’, se prolonge pour atteindre la culture d’une époque et toutes les couches sédimentées qui impriment  un « mode de penser », nous la retrouvons commune à Kant et à Nietzsche : nous pouvons lire dans le texte de 1784 : « Il est donc difficile à chaque homme pris individuellement de s’arracher à l’état de tutelle qui lui est devenu pour ainsi dire une nature. (…) C’est pourquoi un public ne peut accéder que lentement aux Lumières. Par une révolution on peut bien obtenir la chute d’un despotisme personnel ou la fin d’une oppression reposant sur la soif d’argent ou de domination, mais jamais une vraie réforme du mode de penser ; mais au contraire de nouveaux préjugés serviront, au même titre que les anciens, à tenir en lisière ce grand nombre dépourvu de pensée. »  20 La résonance de cette critique kantienne de la tradition avec son poids de préjugés, nous la retrouvons chez Nietzsche avec plus d’ampleur : « Quelle ne sera pas la répugnance des générations futures quand ils auront à s’occuper de l’héritage de cette période où ce n’étaient pas les hommes vivants qui  
                                                   19 Nietzsche, « Sur l’avenir de nos établissements d’enseignement » dans  Écrits posthumes 1870/1873 », trad. fr. par J.-L. Backès et autres, éd. Gallimard, 1975, p.152-153.  20Kant, « Réponse à la question : Qu’est-ce que ‘‘les Lumières’’ ? », VIII, 35, dans  Vers la paix perpétuelle… », trad . J.-F. Poirier et F. Proust, éd. GF, 1991, p. 44-45. 
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gouvernaient, mais des semblants d’hommes, interprètes de l’opinion. C’est pourquoi notre siècle passera peut-être pour une lointaine postérité… »21 On peut lire également dans Par-delà bien et mal au §199 : « Le caractère limité de l’évolution humaine, ses hésitations, ses lenteurs, sa marche souvent rétrograde et aberrante provient  de ce que l’instinct grégaire de l’obéissance est celui qui s’hérite le mieux et qu’il se fortifie au détriment de l’art de commander.»
 22 Si les thématiques kantiennes et nietzschéennes nous semblent assez proches les unes des autres au sujet de la critique de l’état de soumission de l’homme en raison du poids des préjugés, de l’État, de l’Église et des institutions scolaires et universitaires, poids qui fonctionne comme un joug de par son atavisme et son caractère historique, il est singulier de noter que le même paragraphe 199 de Par-delà bien et mal s’en prend à Kant à l’endroit de l’autocratie de la raison pure pratique et du pouvoir coercitif du devoir moral : « (…) c’est l’obéissance qui a été le mieux et le plus longtemps inculquée aux hommes et pratiquée par eux, on peut en conclure légitimement que chacun (…) éprouve maintenant le besoin inné d’obéir, comme une sorte de conscience formelle qui ordonne : ‘‘Tu dois absolument faire telle chose, tu dois absolument t’abstenir de telle autre inconditionnellement ne pas faire telle ou telle chose’’, bref ‘‘Tu dois’’. »
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Le vrai Kant est-il du côté de la libre-pensée ou du côté du concept d’autonomie qui fonctionne à vide dans la deuxième Critique ? Dans une Lettre écrite à Johannes Fichte, Jacobi identifie l’idéalisme transcendantal de Kant à
 
C’est dire qu’il y a entre Kant et Nietzsche, au sujet de la question de ‘’l’autonomie’’, plus qu’un malentendu ; mais ce malentendu est, du point de vue de l’écrit de 1784, beaucoup plus un malentendu de Kant avec lui-même, eu égard à l’écrit de 1788 où le concept d’autonomie ne surplombe cette deuxième Critique sous le poids massif de la loi morale en tant que loi purement formelle qu’en évacuant tout le contenu social, politique, culturel et historique, propre au regard kantien dans l’écrit de 1784 et au regard nietzschéen à travers l’ensemble de ses écrits. 
                                                   21Nietzsche,  Considérations Inactuelles III et IV, Tome II,  § 1, éd. Gallimard, 1988, p.18.  22 Ib., Par-delà bien et mal , trad. fr. par C. Heim, éd. Idées/Gallimard, 1983,§ 199, p. 122.  23 Ib., op. cit.
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un « savoir philosophique du néant »24. Il précise davantage que la morale de l’autonomie avait pris « (…) pour fondement cette volonté qui ne veut rien, cette personnalité impersonnelle, cette égoïté pure du moi sans essence propre. »25 Et pourtant il nous faut faire un pas de plus, mais cette fois-ci en direction des écrits nietzschéens qui constituent une véritable pérégrination à travers les labyrinthes et les effroyables sous-sols d’une « pensée violente, contrastée, redoutable et proprement inassimilable (indigeste, aime à dire Nietzsche lui-même). »    26 Cette même pensée qui  conçoit l’indépendance et la liberté en termes d’une ‘‘création de soi’’. Sa dénonciation de toutes les formes d’aliénation traduit son vouloir de ne relever que de soi et de ne s’attacher à qui ou à quoi que ce soit, et même à son propre détachement, disait-il. « (…) la singularité de notre existence en ce moment précis, écrit Nietzsche, est ce qui nous encourage le plus fortement à vivre selon notre propre loi et selon notre propre mesure ».27
Quoi de plus significatif que de conclure avec Nietzsche en rapportant ce qu’il écrit dans Par-delà bien et mal : « Il importe, écrit Nietzsche, de se prouver à soi-même qu’on est destiné à l’indépendance et au commandement, et cela au bon moment. (…) On doit savoir se garder ; c’est la plus forte preuve d’indépendance. »
 
 
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                                                   24 Jacobi, F.-H., Œuvres philosophiques, trad . fr. par J.-J. Anstett, éd. Aubier, 1946, p. 328. 25 Ib., op. cit. p. 325. 26 Valadier, P., Essais sur la modernité – Nietzsche et Marx, éd. Desclée/Cerf, 1974, p.103. 27 Nietzsche,  Considérations inactuelles, III et VI …», p.19. 28 Nietzsche, Par-delà bien et mal, trad. fr. par Cornélius Heim, éd. Gallimard, coll. 10/18, 1973, paragraphe 41, p.59-60

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