La Philosophie à Paris

PENSEE / Notre époque et la subjectivité

23 Novembre 2009, 12:37pm

Publié par Anthony Le Cazals

Ce qui est raconté ici fut particulièrement visible à paris 8 à partir de mars 2008 mais aussi dans le retour à l'herméneutique de Foucault, dans les années leibniziennes de Deleuze où celui-ci se met à dire la philosophie va mal. Quand le mouvement de pensée est fini vive le retoir au sujet.

 

L’époque (sarkozyste) est à la subjectivité, rebelle, et à l’individualité, mélancolique. Serait-ce oublier que toute subjectivité se soutient d’une conscience du mal, d’une forme pathétique et réactive au vu des problèmes qui lui arrivent dans les pattes. Qui ne parvient à résoudre des problèmes concerts en aggrave dans le « ciel », dans le monde dit intelligible. Les choses sont plus terre à terre. Les problèmes de  conscience ne consistent pas en un « Que dois-je faire ? », « Que dois-je savoir ? », mais sont avant tout la , il y a souvent des affinités plus profondes entre l’ordre établi et la dissidence qui ne fait que vouloir elle aussi la « vie bonne » pour l’homme de troupeau, c’est-à-dire familles et communautés comme notre cher Président. La question à se poser et non le problème à aggraver serait davantage : de quelle énergie sommes-nous capables ? Quelle sont les capacités de nos corps ? Quels sont les modes de création qui ne passent ni par le philosophe d’institution, ni par l’artiste (qui n’est qu’un double du créateur), ni par la figure du saint ? La création n’étant que l’effort sublimé d’une extension de vie dont le produit est une valeur, c’est-à-dire au final une indication de la direction à suivre pour une vie plus audacieuse et plus intense. On parlait dit-on de sages dans l’antiquité, non de philosophes qui se sentent dans l’institution comme dans leur propre demeure (Badiou, le 12/6/8).

 

La subjectivité symptomatique des époques à conjecture, bref des crises.

Les époques à conjectures, les époques où l’avenir est tiraillé sont des périodes à subjectivité, des périodes de crises. Par crise il faut comprendre des périodes où l'on réfléchit ur son propre avenir faute d'être dans le mouvement  Pour un certain rationalisme « c’est l’abstrait qui est chargé d’expliquer, et c’est lui qui se réalise dans le concret. On parle d’abstraction tel que l’Un, le Tout, le Sujet, et l’on cherche par quel processus ils s’incarnent dans un monde qu’ils rendent conforment à leurs exigences (ce processus peut-être la connaissance, la Vertu, ou l’histoire…) Quitte à connaître une terrible crise chaque fois qu’on s’aperçoit que l’unité et la totalité rationnelles tournent dans leur contraire ou que le sujet engendre des monstres » DzRF_284. Les époques à conjectures sont des périodes où le corps ne suit plus l’ « esprit » (c’est-à-dire la direction) et produit des chimères autant les êtres hybrides entre deux espèces que les des hyperboles de pensée, ces abstractions dont parlait Deleuze. La subjectivité n’a pas à être récusée comme n’existant pas car on ne récuse pas les symptômes visibles d’une maladie. Pour être plus clair, on ne combat pas les symptômes d’une remise en ordre. On peut et cela parait normal être indifférent à la maladie qui fait symptôme dans la subjectivité. Toute subjectivité est gardienne « de ce qui n’est pas » (Prado 8/4/8), d’une idéalité, de quelque chose de si évanescent qu’il est avant tout le fruit de nos espoirs et de nos illusions.

La subjectivité n’est pas exactement une nouvelle capacité d’énergie car dans le saisissement face à tous les soucis qui l’entoure et l’assaillent, elle se replie sur des valeurs établise, les bonnes vieilles idées. C’est un peu rapidement que l’on pense que la subjectivité dans son atermoiement est du vécu qui ne peut se dire. Il y a pas réellement de vécu qui ne parvienne à se dire pas mais plus simplement du vécu sans importance, qui n’a pas d’effectivité réelle car est sur un mode de repli. « Ce qui se subjective, ce sont tantôt les nobles, ceux qui disent « nous les bons… », dans d’autres conditions ce sont les exclus, les mauvais, les pécheurs, ou bien ce sont les ermites, ou bien les communautés monacales, ou bien les hérétiques : toute une typologie de formation subjective pris dans des dispositifs mouvants ». Qu’avons nous à faire de ces « exclus », sur lesquels lorgne le prêtre pour en faire ses bêtes de troupeau et justifier ainsi sa cure, son accompagnement à l’envers (dans l’abstrait de ses idées). N’est-ce pas là le fantasme des époques de crépuscule où les impuissants voient le mal partout sans parvenir à dire (autre point de vue sur la réalité) que le monde est merveilleux mais que peu de gens le voit. Un autre discours qui n’a rien d’objectif, qui n’a rien de subjectif, peut être tenu sans être lié à une subjectivité du moment mais plus à l’engouement d’une époque pour de nouvelles stimulations corporelles (nommons-les pensées plutôt qu’idées, actions plutôt qu’opération). Dans ce cas il s’agit de ne pas mettre une image de la pensée entre nous et le faire, une idée pleine de vanité du style : avoir en vue c’est déjà faire. Avoir en vue (horan) c'est faire (dran) pour Platon, agir c'est être fautif. Décadence car la hiérarchie ne pourra jamais combler l’écart que produit l’idée entre ce qui est en vue et ce qui est effectif. Non quelque chose est généreusement sécrété, quelque chose contamine de son venin empoisonné. La tarentule tisse sa toile autour d’un vide, l’Egalité comme hypothèse, la Liberté comme absolu. Idéalité est comblée au moment où la toile devenue système. Etre dans la subjectivité, c’est être, de son point de vue, l’interminable gardien de quelque chose « qui n’est pas ». Confronté à de l’interminable, à du répétitif, on s’épuise. La subjectivité repose sur une fêlure, sur une schize entre la conscience et un prétendu « inconscient » (tout le refoulé de la dite « conscience », mais qui n’est que notre mémoire épisodique ou traumatique. C’est oublier les travaux sur la folie et la mémoire de Schopenhauer qui inspirèrent directement Freud. C’est oublier que la psychanalyse ne soigne pas, aux dires mêmes de Lacan et de Jacques-Alain Miller. Mais elle vaccine de son origine névrotique contre certaines sottises majeures de notre société. « La sottise majeure concernant l'homme est qu'il se prend pour son moi, se considère comme transparent et est de ce fait soumis à toute une série d'aliénations. Une première aliénation tient à la confusion entre chacun d'entre nous et l'image qu'il a de lui-même » (François Wahl). Ainsi la subjectivité repose sur la distinction entre un soi et un moi (le moi étant l’image du regard et du langage de l’autre, la possible aliénation. 

L’émancipation face à l’aliénation, à la hiérarchie n’a trouvé d’alternative que dans le non-être de la contradiction, dans l’envers de l’époque. Pourtant c’est bien la subjectivité qu’il faut refuser, comme refuge des périodes d’hiver pour la pensée, la vie ou le travail  Il faut même la combattre car elle n’est que l’allié de la remise en ordre d’un pouvoir répressif contre les puissances créatrices. Pourquoi parler de conflit contre une certaine subjectivité, simplement parce que la guerre, la joute meurt ce qui est personnel : « la guerre réduit l’esprit de vengeance au silence » (Nietzsche, 4[40]) et nombre de subjectivité sont animées aujourd’hui de cet instinct de vengeance. L’envie de vengeance ne naît , elle est présente chez tous les moralistes (aujourd’hui les idéalistes matérialistes) qui souffrent de ne voir advenir ce qu’ils considèrent être leur Bien (qui a pour rôle d’arrêter l’infini « régression » des capacités créatrices) et qui le retourne via la théorie, via l’abstraction obscurantiste ou métaphysique contre ce qu’il désigne « l’homme de la vie bonne ». Ce moment est capital pour la subjectivité, elle qui était apparemment sans intériorité, car obéissant à une plate mathématique ou logique devient, sous la posture morale qu’elle adopte intériorité subjective : le Sujet qui guide la communauté. L’envie de vengeance n’est pas qu’une douleur qui ne parvient à se supporter, elle se retourne sous la forme de la mauvaise conscience qui sait qu’elle produit un double discours en une intériorité. La subjectivité se retourne sous la forme du prêtre plein de ressentiment, plein d’abstraction envers lequel nous aurions une dette infinie, celle par exemple d’avoir fait advenir sur terre l’infini actuel ou autre billevesée : la liberté dont nous serions séparés. A ce moment-là, caractéristique, la subjectivité dans son parcours à l’envers qui va de l’hypothèse de départ (par exemple l’égalité ou le Deux) à son principe an-hypothétique (par exemple la liberté absolue ou l’Un), réintroduit sur son chemin de Damas : l’Un-Dieu. Ces abstraction, ces chimère ne sont pas un mal en soi mais conduisent au pire catastrophe, au déclin quand les disciples de ces enseignants (sophistes) ne les prennent pas avec la bonne distance qui consiste à dire qu’il ne sont la intérêt général mais bien qu’ils n’ont aucun intérêt. Rappelons-le le Bien est pour tout platonicien l’impropre, ce qui contrairement aux Idées n’a pas de propriété, le propre de l’impropre est donc de ne pouvoir être nommer ni égalité ni liberté, qui restent des idéalités.

Aussi la subjectivité supporte pas une chose c’est qu’on soit indifférent à son propre choix, par exemple son égalité du pauvre sans talent n’est là que pour cacher sa jalousie et l’apaiser.. Cela était déjà présent chez Stirner. La subjectivité peut vouloir l'hypothèse communiste pour ne pas offenser sa jalousie envers les types plus riches mais depuis le texte d'il y a deux mille ans sur "la dispute sur le fer et le sel", on sait que c'est une impasse. La subjectivité ne fait que dire « nous les égaux », or il n'y a pas de potentiel entre égaux, pas d’appel à l’effort. Rien qui passe dans l'impasse : c'est la fameuse précarité des vérités qu'il faut toujours rappeler.

C’est parce que la subjectivité est gardienne d’un vide et d’un néant (souvent une rupture existentielle ou un deuil, mal digérés) et qu’elle veut par son discours nous empêcher de le franchir pour nous garder dans son troupeau qu’il faut savoir passer outre. Je préférerai toujours la positivité à la vérité, car pour que quelque chose se passe il faut du potentiel, la noce contre nature entre la négativité des déterminations et la positivité des indications. La subjectivité ne fait et ne fera qu'indiquer du symbolique (1 ou 2), des vérités, des idées qui viennent se loger entre nous et notre action, on en reste alors aux opérations d'un système, non à la liberté de l'action d'une pensée qui incise ou tranche dans le réel et le complexe.

 

La subjectivité apparaît quand on ne peut investir ses intérêts ou que l'on a plus de projet.

La subjectivité est certainement dans le vrai, dans l'ennui, mais le vrai n'explique rien c'est lui qui doit être expliquer, d'où l'ennui, l'impasse théorique. La subjectivité n'a aucun intérêt : « Ce dont on crève actuellement, ce n'est pas du brouillage, c'est des propositions qui n'ont aucun intérêt ... On ne va pas dit à quelqu'un : « ça n'a aucun intérêt, ce que tu dis ! » On peut lui dire : « c'est faux. » Mais ce n'est jamais faux, ce que dit quelqu'un, c'est pas que ça soit faux, c'est que c'est bête ou que ça n'a aucune importance. C'est que ça a été mille fois dit. Les notions d'importance, de nécessité, d'intérêt sont mille fois plus déterminante que la notion de vérité » DzP_177. Sans intérêt, il n'y a pas d'investissement possible dans la subjectivité pour l'époque, de confiance en elle.



Cet article est une reprise d'un post fait sur la notion de subjectivité, dans laquelle tombe un certain nombre d'enseignants de Paris 8, ceci rejoignant bien l'idée que la subjectivité quand elle ressent l'époque comme hostile  se constitue en monastère ou en hérisie du capitalisme. Cet article devait faire partie d'une lettre adressée aux enseignants de Paris 8, mettant en avant quelques uns d'entre eux comme Patrice Loraux au travers d'un discours sur l'époque et non sur la subjectivité et Alexis de Saint-Ours qui ne traite non du réel subjectif mais de la complexité.

|1er édit 23/06/2008] [edit 23/11/09]
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