La Philosophie à Paris

"DIXI ET SALVAVI ANIMAM MEAM" / Réponse à un sancho de mauvaise foi

7 Décembre 2006, 01:44am

Publié par Le Cazals

REPONSE A UN SANCHO de mauvaise foi puisqu'au fond comme disait Marx en latin dans la critique du programme de Gotha : "je ne dis cela que pour sauver mon âme".

Tu as une vision de nécrophile, de croque-mort avec certains auteurs au lieu de coïncider avec leur mouvement de pensée, tu regardes leur œuvre par dessus l’épaule avec mépris. Sache que Foucault, surtout, Deleuze dans une certaine mesure sont passés par un certain structuralisme qui visait précisément à supprimer la fonction « je » de l’auteur.  Lire par exemple le très bel article de Négri Gilles-Félix. Devant l’excès structuraliste de cette époque, qui faisait perdre par le sens des textes aux yeux de Ricœur, celui-ci a produit son herméneutique. Ricœur est au final resté prisonnier des textes et de l’interprétation alors que Foucault étaient ailleurs. Foucault et Deleuze étaient des auctores (pensée et engagement faisait un) et Ricœur restait un lectores. Pour preuve la réponse qu’il fit en tant que doyen de Nanterre aux étudiants qui l’assiégeaient en 1969 : « imbéciles, j’ai lu plus de livre que vous ». Je ne déborde pas plus, car Foucault a vu le premier chez Blanchot, la pensée du Dehors, dès 1966, il en a appelé les penseurs qui suivraient d’en donner les catégories, ce ne sont plus vraiment des catégories à vrai dire. C’est au fond c’est qu’on réussit Deleuze et Guattari dans Mille Plateaux même s’il y a encore bien des aspects formels comme la double pince, et qui recouvrent les tensions inhérente à ce bouquin, ses intensités, ses subversions. C’est sur ces aspects formels qu’on a essayer de piéger Chez Deleuze il n’est qu’épisodiquement question de la case et plus qu’une mémoire de soi ou un oubli de l’oubli un passage du Foucault dit la mémoire ne s’oppose pas à l’oubli mais à l’oubli de l’oubli. La dépersonnalisation c’est un oubli de soi, une désubjectivation en même temps tant qu’un singularisation : c’est à dire qu’on ne s’attache plus aux personnes (les grandes individualités comme les grands hommes), mais aux singularités et intensités impersonnelles. C’est une tout autre façon de voir qui s’attachent aux événements, on se s’attarde plus sur les choses, les objets, les personnes mais à ce qui les anime, aux flux d’énergie et aux forces qui les traversent. Mais sans doute faut-il du formel pour rendre mais le discours par concept fini par piéger la vie.

Tu as raison de t’en prendre à la « xxx ontologique » chez Heidegger ou au plan d’immanence chez Deleuze (qui n’est qu’une surface métaphysique. Ontologie comme la métaphysique sont convictions qu’il est bon de casser si personnellement on ne veut se les réapproprier pour construire un peu plus long, prendre un peu plus de risque.

Je suis aussi de mauvaise, simplement parce que je cherche à te pousser à la crise. C’est des choses qui ne se disent pas, c’est des choses qui ne se font pas. Je pense que tu as toutes les capacités pour t’en relever, mais quand je vois le résultat de tes longs moments de silence, je me dis que rien ne se déclenche, c’est un retour au « je » que tu opères, à ce qui reste un forme de subjectivité qui n’est pas la nouvelle subjectivité ou capacité d’énergie libérée en mai 68 ou chez les grecs du Ve siècle avant JC. Pourtant tu disais il faut en finir avec la subjectivité ( ici, et dans les commentaires ici et ici ; Je n’ai pas retrouvé le commentaire où tu l’énonçais en gras). Elle existe, mais je n’y vois aucun intérêt de même que de se poser la question qui je suis pour écorner GMC au passage (Commentaire n° 3 le 14/06/2006). Mais je suis sympathique puisque j’assume par moment ma propre finitude en disant « je », comme Spinoza disait « j’appelle substance… ». Mais la plupart de mes idées sont dérobées à d’autres dont je ne réaffirme que ce qui me semble porteur, ces mêmes persones polissant leur idées avec ce que je leur renvoie.

Je ne m’attache pas aux auteurs ou à leur système mais je regarde ce qu’il y a en eux de plus porteurs d’intensité inouïe : ces fameuse intuitions qui rentraient si mal dans le discours philosophique pour Bergson (c’est la question de la nouveauté), de plus intempestif chez eux et que l’on doit affirmer par la pratique (c’est la question de la capacité). La subjectivité joue entre un possible et un réel alors que le capable biaise cette grande contradiction plus encore que le virtuel qui baigne dans l’involontarisme et l’incapacité (usant du bras de levier). Dépersonnaliser les choses pour introduire une capacité à percevoir la nouveauté et à l’amplifier, c’est tout les thème chez Nietzsche de la création de nouvelles valeurs.

Je te dis tout cela, en te disant simplement que je ne cherche ni oeuvre ni à être auteur de mon vivant, seulement il faut avancer ses armes à un moment donner non pour améliorer l’humanité au travers mais pour transfigurer les choses à la manière du déconditionnement de la dépersonnalisation à laquelle en appelle Krishnamurti (merci à Ritournelle).

Ma question est donc quelle différence entre le « je » et la subjectivité, entre tout goût un peu idéaliste de la démocratie qui ne peut aller qu’en se recyclant (ivresse du moi j’existe au monde comme un autre) et l’assujettissement à cette vérité, à cette dimension démonique (inspirée par du divin, qui n’est plus humain si on en reste à la dialectique) ? Sans doute est-ce mal formuler, dans doute ne peut-on pas rabattre je sur une forme de subjectivité.

Voilà la réponse un peu trop technique et sans doute de mauvaise foi puisque je m'attarde trop au lieu de profiter de la vie pendant ce temps-là mais je voulais te la faire.

La suite de ma réponse vient

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S
J'ai du mal à répliquer à ce que tu dis, car je ne crois pas à l'intérêt de se dire sans arrêt l'un à l'autre : "j'suis pas d'accord!". Tu restes dans ton positionnement deleuzien avec le dépassement de la subjectivité dans les intensités, avec ta défense du délire créateur. On ne peut pas dialoguer s'il n'y a pas de terrain commun. <br /> Pour moi, Deleuze c'est une position, et je suis contre toute position pour tenir des discours. Je crois que la position philosophique doit être examinée dans sa possibilité. Il faut écrire une Critique de la raison positionnée. Il faut se demander pourquoi des positions sont possibles comme kantiennes, derridiennes, deleuziennes. Or je crois qu'il y a ici un impensé, un refus têtu de tout philosophe d'entrer sur ce terrain, ce qui signe la limite de toute la philo telle qu'elle a été pensée jusqu'ici. <br /> Il faut repenser la philosophie, en commençant à mettre à jour cet impensé, et en l'assumant. Cet impensé est une ivresse du "je". Tu pourras trouver en surface une dénégation du sujet, un refus du "je", mais en profondeur, il n'y a que ça : il y a une fureur du "je". Autant l'accepter pour voir comment on pourrait avancer. Ta formule "On ne dit pas je en philosophie parce que le moment précis de la pensée est impersonnel ou discretion" est magnifique, mais elle est de la dénégation, du déni, c'est ça sa limite. En un certain sens tu as raison, puisque tu suis la dénégation qu'est tout entière la philosophie. Mais si tu veux créer la philosophie d'aujourd'hui et de demain, il faut en sortir.
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J
Oui mais ce "je" est une prise d'autonomie par rapport à une situation de délitement comme c'est le cas chez Wittgenstein (3 frère suicidé sedamndant s'il n'allait pas faire de même), c'est le cas chez Deleuze (Un frère déporté et une famille sclérosée). Seconde chose on ne délire jamais tout seul, il faut être au moins deux ce n'est pas l'amoureux que tu es qui me "contredira". Deleuze certes est une position (en haut de la "colline" comme il dit) mais que la "rivière" (comme le dit toujours Deleuze) n'a pas cessé de le faire bifurqué. Alors s'opère un échange d'intensité. Mais si tu veux je pas à la deuxième vitesse Spinoza et la troisième vitesse Nietzsche ou la marche arrière accélérer Bergson. Je ne fonctionne pas dans le dépli, dans l'élévation à l'infini de deux séries (d'un univers pour ne pas l'appeler substance ou virtuel).<br /> Sans Deleuze, je ne serai pas là, parce que je ne me serai jamais mis à lire Nietsche directement. La philosophie d'aujourd'hui ou de demain ne passe pas par moi je sus trop tragique, le pire est que je suis obligé de m'autocollé cette étiquette "philosophie" alors que j'aime le tragique et la création, tout l'opposé de la sérénité et de la sagesse. Une bataille et un combat. La pensée complexe pas exactement celle d'Edgar Morin est pensée du Dehors.<br /> Sinon ta révolution du positionnement philosophique me laisse circonspect, te répondre produit beaucoup de texte pour rien, mieux vaut être à la diète. Tu n'as, un peu comme Badiou, pas conséquence de ce que peut produire ou stopper la philosophie dans les discipline qui lui sont extérieures. Tout ce que je viens de dire est d texte à rallonge qui ne libère rien. Ca ne sert à rien de discourir, de répondre et de dialoguer, siomplement parce que la pensée se trouve dans un régime inférieur à ce qui est enthousiasmant, stimulant, incitateur à prendre des risque, même si j'apprécie notre lointaine rencontre, monsieur le professeur de théâtre barcelonais.
S
Cher Le Cazals, tu fais erreur sur le mépris. Je ne méprise pas Platon, Plotin, Descartes, Pascal, Malebranche, Spinoza, Hume, Rousseau, Kierkegaard, Nietzsche, Marx, Freud, Bergson, Rosset, Jankélévitch, et de nombreux autres qui sont mes chers maîtres. Mais je suis excédé par le culte académique dont sont l'objet les philosophes en général. Je crois qu'il faut impérativement, pour des raisons de santé publique et de survie de la pensée, désacraliser les philosophes. Il faut instaurer une autre manière d'écrire l'histoire de la philosophie en mettant au jour les enjeux humains qui ont été suivis ou étouffés. Pour la philosophie moderne, il faut dénoncer la dérive intellectualiste et le repli sur un dandysme discursif de beaucoup (dans la lignée de Heidegger et Derrida). Tu me réponds toujours par Deleuze. Tu devrais cesser de penser que tout se joue en lui. Deleuze est lui aussi prisonnier de schèmes de pensée qui ont été l'obscuration de la pensée au XXè siècle. Il y aurait beaucoup à dire sur les notions de "corps sans organes", sur les flux et les intensités, les seuils et les excroissances... J'y viendrai un jour. Pour l'instant, dans mon blog, je veux casser le sérieux de la philosophie de Heidegger. Certains ne comprennent pas que je prenne ce style de casseur. On me dit que je devrais produire à mon tour. On ne voit pas que je rêve d'une autre philosophie où la notion d'auteur serait chamboulée. Loin de vouloir ouvrir la voie, je voudrais me loger dans des tendances qui existent déjà et qui sont extraordinairement porteuses. Ouvre les yeux! Les mouvements de l'alternance, que ce soit en écologie, mode de vie, politique, création artistique, sont à la recherche d'une pensée qui serait un patrimoine commun et une solution de survie, un au-delà de la pensée unique et du catastrophisme ambiant. Il me semble que si la philosophie a encore un rôle créateur à jouer c'est en cherchant de son côté le moyen de constituer une pensée collective, au-delà des simples débats et luttes de doctrines : ce qui serait justement un patrimoine pensant et pensé. Ma toute petite pierre consiste à proposer que le socle d'une telle pensée pourrait être une redéfinition du "je", donc du "sujet". Au lieu d'en faire une simple condition constitutive du discours, ou un lieu de triste d'identité, de "différence", il faudrait le vivre comme le lieu permanent du choc d'exister. Ce choc a, j'en suis convaincu, un fabuleux pouvoir de propagation. Je crois qu'il est aussi capable de nous amener un plus haut degré d'inventivité ou de créativité face aux défis d'aujourd'hui. <br /> Pour te répondre plus précisément sur la question que tu pointes comme celle de la "subjectivité" : Il faut que tu comprennes que je ne cherche pas à m'enfermer dans la subjectivité ou dans le déni de sujectivité, dans l'identité de l'auteur, ou dans celle du lecteur. Dire 'je' ne me pose aucun problème, je n'arrive même pas à voir où pourrait bien être ce problème. Par contre, je vois que la philosophie depuis Platon, à part quelques rares et magnifiques exceptions, s'est construite comme un discours sans auteur. Le paradigme en est L'apologie de Socrate où l'auteur (Platon) se signale juste par deux très brèves allusions, alors qu'il raconte le déroulement d'un épisode dont il était le témoin et qui lui tenait énormément à coeur. Mais dans le genre on a aussi Husserl qui tente de décrire une constitution d'un "noyau transcendantal propre" du moi, sans jamais donner au 'je' son sens intéressant : "moi, Edmund Husserl", ce qui aurait immédiatement introduit dans ses analyses ardues et alambiquées, un peu de l'éclairante vibration d'exister. Je tente évidemment d'aller plus loin : j'essaie de montrer que tout dans la philosophie vient de cette vibration d'exister et du fait qu'il y a là la plus grande ivresse qu'on puisse éprouver. Ce qui revient à dire que la philosophie est souterrainement un dicours enivré du 'je' (mais en un sens caché de "je"), et en surface un discours impassible sans "je". C'est là ce que j'essaie d'appeler de la "mauvaise foi". Si quelqu'un me propose un autre concept plus adéquat, je l'accepte. Si on me montre aussi clairement que je me trompe sur ce point, je n'insisterai pas.
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L
Il ne s'agit pas de faire de l'histoire de la philosophie autrement mais de ne plus en faire du tout. D'expérimenter soi-même les textes, se dire que s'il nous paraissent à première vue incomprehensible par ce qu'on passe trop vite sur eux (je pense au livres de l'Ethique et au livre V de Zarathoustrata). En fait en cassant tu produis déjà à ton tour, ne t'arrêtes pas. Tu fais un truc très proche de Nietsche (casser les anciennes valeurs pour en créer de nouvelles)<br /> On ne dit pas je en philosophie parce que le moment précis de la pensée est impersonnel ou discretion. La pensée est un mouvement pas un sujet, même si elle pet malheuresement s'appuyer sur lui, parce qu'une fois que tu sera lu par un ignare, l'ignare se verrait comme dans un miroir, beh à quoi ca sert alors de penser. <br /> les problème qui viennent en tête ne sont pzs les mêmes si on pense de manière impersonnel (même si un perspectivisme demeure) ou subjectivement. Le structuralisme est venu contre le personnalisme issu de la revue Esprit (qui s'appuyait sur Bergson et Keirkegaard) mais aussi contre Sartre qui s'appuyait aussi sur Keirkegaard tout en étant en réaction contre Bergson. Mais à la fin du personnalisme, de l'existentialisme et même de la badiolite auguë j'ai envie de dire tout ça pour ça ! Il est difficile d'embrayer dessus puisque ce sont des pensées très personnelles, parfois dialectique. La dialectique ayant déployé tout ce qu'elle pouvait, Badiou lui-même s'est rabattu sur le transcendantal (le fait qu'un aller retour des conditions aux données de l'expérience donne un régime lent de la pensée) alors qu'il s'agit précisément de dépasser tout cela, de délirer un peu. <br /> Essaye d'embrayer sur autre chose que de dire "j'existe", l'oubli de soi me paraît une meilleure entrer en matière pour une existence tragique. Les écoles antiques (comme le dernier Foucault) ont prôné le souci de soi, la vie en communauté, la vertu de l'humanité (les stoiciens) comme ferment de cette communauté. Mais comment faire pour vivre dans la jungle ou en ville, au milieu des émeutes. Comment se dégager des faits urbains tout en étant créateur. Ce n'est qu'un exemple de situation. car il faut savoir penser loin des villes disaient nietsche, comprends, loin "des endroits où on se repaisse", où se datisfait de ce que l'on a et om l'on s'engraisse. Plus d'audace gros bourgeois, moins de fioritures. Donc casser est un bonne chose, si tu le réussis tu devra même casser le sujet, la subjectivité restreinte qui ne peut délirer, parce qu'il faut petre au moins deux pour être fou.
R
"(merci à Ritournelle)."--> Hey, de rien casaque.
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L
Scuse, in lapsus, mais je croyais au départ que tu estais une fille, ca trottait dans ma tête comme une ritournelle.
R
Ah, chacun des camps aiguise ses armes .. Moi je prends des popcorns et j'attends :)
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