La Philosophie à Paris

PLINIO PRADO / Portrait philosophique de Jr Plinio Prado

4 Juillet 2019, 11:59am

Quelques aspects techniques
- La philosophie de Junior Plinio Prado est un individualisme atomisé qui s'inspire de philosophes antisémites comme le pessimisme de Schopenhauer, la subjectivité de Kierkegaard ou l'ontologie de Heidegger. Sa haine de la philosophie telle quelle se fait le fera passer pour un antiphilosophe universitaire pourtant sa désorientation post-moderne est porteuse de la visitation de la grâce tirée de Saint-Augustin (épiphanie réalisée par des apophantes).
- L'humanité de Junior Plinio Prado est réactive en ce qu'elle requiert d'abord un inhumain, qu'elle se définit avant négativement par l'existence de cet inhumain.
- de là, une absence d'éthique d'écoute et de réception puisqu'à géométrie variable. Il n'y a que celui qui a subi les affres de l'administration ou du monde du travail qui a droit à l'écoute, à déposer un discours dans le sillage du maître (cf. le placardage à l'entrée de la salle A028 à l'image de l'antisémite Luther, ce qui ressurgira au moment de la guerre).
- l'inhumanité de Junior Plinio Prado sert à hiérarchiser les souffrances ("La shoah est un crime supérieur aux autres", en quoi ? parce que touchant à l’assassinat d'une spiritualité, parce que pour la première fois appuyé par la rationalité technique et non le "sentimentalisme du pogrom"), celles qui le ne concernent pas sont infériorisées, méprisées en fait. Elle n'ont qu'une valeur utilitaire d'hameçonnage et de domination dans le temps. Seul affect valable est l'intensité de sa névrose d'angoisse.
- sa mystique religieuse du Tout autre (le prétendu indicible) ne vise pas seulement à amoindrir autrui mais à l'atomiser (comme cela ressort dans l'échec du séminaire dont Patrice Vermeren a été le récipiendaire : chacun étant invité à parler de ses affects fondamentaux (comme l'angoisse) se trouve démuni à en parler à autrui, le piège se referme ainsi et la non-maîtrise totale de son enseignement aussi, la plupart des participants ont échoué par la suite sauf à rompre).
- En découle, l'innommable à la Beckett ou le no man's land à la Berberova comme porteur d'un fardeau qu'il faut alimenter en affects. Mais c'est ne rien avoir compris à Beckett que d'affirmer là l'absurde d'une époque ou le non-sens d'une société (cf. la photo de la British Librairie mise en avant sur le site l'Atelier Philosophique montrant des hommes à la quête de "miettes de sens"). Le Godot des personnages juifs de Beckett est le passeur qu'aurait attendu un Benjamin, le En attendant Godot est en somme une critique de la figure du libérateur. Il y a chez Beckett une désubjectivation, une dépossession de la subjectivité pour l'ipséité des processus « il y a moi, je le sens, oui, je l’avoue, je m’incline, il y a moi, je le sens, il le faut, ça vaut mieux, je n’aurais pas dit, je ne le dirai pas toujours, j’en profite de devoir dire, c’est une façon de parler, qu’il y a moi. » Samuel Beckett, L’Innommable, Paris, Éditions de Minuit, 1953, p.169. « Telle est la condition humaine : ne pouvoir se rapporter qu’à des choses qui nous détournent d’autres choses et, plus gravement, être, en tout présent à soi, et dans cette présence, n’avoir chaque chose que devant soi, séparé d’elle-même par ce vis-à-vis et séparé de soi par cette interposition de soi-même. »  Maurice Blanchot, L’espace littéraire, Paris, Gallimard, « Folio », 1955, p.171. Soi-même, c'est l'ipséité. « C’est fini pour moi, je ne dirai plus je » Samuel Beckett, Malone Meurt, Paris, Éditions de Minuit, 2004, p.183. On passe d'un idéalisme d'action par le degré zéro de la subjectivité à une sorte de matérialisme de création.
- l'écoute comme chez tout pervers narcissique sert avant tout à ajuster le discours de séduction pour captiver le disciple et produire le transfert (partiellement maîtrisé) et faire naître comme il l'assume le désir d'absence du maître (d'où le fait qu'il trouve certaines années ses disciples distants et s'étonne de leur proximité les années suivantes suivant comment évolue son bon désir)
- le discours de Junior Plinio Prado comporte un certain nombres de 'biais de confirmation', de 'denis pervers' dus à l'oralité de l'enseignement, de démolition de la pensée des disciples qui s'écarteraient de la sainte voie. Le biais de confirmation se voie dans sa manière d'extirper des citations pour en faire des arguments d'autorité (comme il le fait souvent avec Nietzsche il parlera du tempo ralenti d'humain trop humain mais jamais du tempo qui s'accélère en 1883, il pendra en compte la suggestion du transfert mais jamais la résistance qui apparaîtra tôt ou tard). Le déni pervers renforce l'effet pour le disciple de se retrouver les poings liés, car l'enseignement oral est contredit quelques mois après.
- toute marque d'apparente générosité sert à asseoir la clientèle au sens psychanalytique (remarque d'un disciple de Lapassade), mais ce sont des clients pas des amis philosophiques. Ce qui s'apparente à des étudiants-clients avec leurs chips et leur casque audio ne reste pas plus d'une heure au cours. Non il n'y a pas eu d'invasion de leur part ou paradoxalement le disciple est devenu le client des honneurs que décerne le maître.
- l'accent mis sur la seconde période de bien des penseurs est symptomatique d'un discours non pas réactionnaire mais néo-conservateur (le second Jean-Claude Milner succédant à L’œuvre claire, le second Michel Foucault qui aura pour disciples les libéraux néo-conservateurs Ewald, Kessler, Kriegel et le membre de la "gauche" identitaire Didier Eribon, le second Barthes, celui qui rejette le structuralisme, le dernier Pierre Hadot.
Il y a quelques manques (comme l'anesthétique ou le rapport à Kant, autre raciste dans ses petits livres de morale, moins connus) mais cela suffit pour brosser un portrait technique.
 
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