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REVOLUTION / Les journées des 5 et 6 octobre 1789

14 Octobre 2021, 12:05pm

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Les « journées du 5 et  6 octobre 1789  » sont un épisode marquant de la Révolution française. Ces journées ont pour conséquence immédiate le départ du roi de Versailles et son installation définitive sous la contrainte à Paris (aux Tuileries puis à la Prison du Temple).

Le 5 octobre 1789 : la marche des femmes vers Versailles

« Ramenons le boulanger, la boulangère, et le petit mitron à Paris  ».

La journée du 5 octobre 1789 débute par un rassemblement sur la place de Grève, devant l'hôtel de ville de Paris, pour interpeller la Commune de Paris, notamment sur la disette de pain due au manque d'approvisoinement en farine dans la capitale. De plus, l'Hôtel de Ville est envahi jusqu'à l'arrivée de la Garde nationale parisienne, menée par La Fayette. Un appel est alors lancé pour faire part de ces revendications directement auprès du roi et de l'Assemblée nationale constituante. C’est ainsi qu’une foule de plusieurs milliers de personnes, majoritairement composée de femmes, se met en marche vers Versailles. Elles prennent avec elles des canons suite à la venue du régiment de Flandre à Versailles et au mauvais souvenir qu'à laisser  le Royal-Allemand, tirant sur la foule la veille de la prise de la Bastille. Les femmes de Paris sont suivies par d'autres groupes armés et même, plusieurs heures plus tard, par 15 000 à 20 000 hommes de la milice nationale. ncapable d'empêcher son invasion meurtrière (deux gardes chargés de la protection des appartements de la reine Marie-Antoinette, principalement visée par l’invasion du palais, sont tués).

En fin de matinée, le roi et sa famille quittent Versailles pour Paris, escortés par la foule. La famille royale va désormais être installée au palais des Tuileries. L’Assemblée constituante y est appelée quelques jours plus tard : elle siège pour la première fois dans la chapelle de l'archevêché >>>>>>>>>>>><<<<<<<<<< .

Ces demandes étaient autant frumentaires (demande de farines, à laquelle le roi répond favorablement), que politiques : exigence de ratification des décrets relatifs à la Constitution et à la Déclaration des droits, auquel le roi se plie dans la soirée, remplacement des gardes du corps du roi par la garde nationale, exigence de port de la cocarde et, exigence d’installation du roi et de sa famille à Paris. 

Sur ce dernier point, le roi se laisse la nuit pour réfléchir. Il accepte toutefois que la surveillance extérieure du château de Versailles et sa sécurité ne soient plus assurées par les gardes suisses mais par la garde nationale, commandée par La Fayette.

Mais le 6 octobre , à l'aube, le château est envahi par un foule plus revendicative. La Fayette, en retard, est pris de court .


Retour sur les événements : le contexte

 1) La disette
Depuis le mois de septembre, Paris souffre d'un grave manque de pain. Les raisons en sont encore très obscures : les récoltes, contrairement à l'année précédente, ont été bonnes et les communes limitrophes sont bien pourvues en pain. Pourtant à Paris, le pain est rare, la farine est de mauvaise qualité. Les boulangeries sont prises d’assaut. Cette disette culmine début octobre. 

2) Le risque d'une contre révolution

Les Parisiens voient dans cette situation un nouveau « complot de famine ».

La paranoïa parisienne est accentuée par la décision de Louis XVI de convoquer le régiment de Flandre, près de 5 000 hommes, à Versailles à partir de fin septembre. Le régiment est constitué de soldats et d'officiers français, mais porte un nom de régiment étranger, ce qui rappelle.

Le Royal-Allemand avait été appelé par le roi pour mater les troubles dans la capitale, et les parisiens révolutionnaires craignent que le roi essaie de faire la même chose avec le régiment de Flandre. Certains craignent aussi qu'il s'en serve contre l'Assemblée.

 

B) La marche des femmes

Au cours de la matinée du 5 octobre  , des femmes commencent à se réunir sur la place de l'Hôtel de Ville (la place de Grève) dès sept heures.

 La manifestation pourrait alors être l'expression impromptue d'un mécontentement qui bout depuis le début du mois de septembre (le  est le jour où le pain est le plus cher de toute l'année 1789). Par ailleurs, il y a eu des motions au Palais Royal dans les jours précédents, ainsi qu'une première tentative  de marcher sur Versailles, par le marquis de Saint-Huruge

Certaines motions sont attribuées à des femmes.

La veille du 5 octobre 1789 est un dimanche, jour propice à  l'assemblée des femmes. La majorité de femmes présentes sont des boutiquières des Halles qui appartiennent à une corporation (boulangères, poissonnières), elles constatent la disettes et ont l'habitude de s'organiser entre elles. Qui plus est, ces femmes disposent d'un droit très précis dans la société d'Ancien-Régime, celui d'aller en procession porter ses doléances au roi ou de lui présenter ses compliments. Le roi a donc l'habitude de les recevoir tout en étant les représentante légitimes du peuple de Paris. Face à la disette de pain, c'est d'abord l'approvisionnement dont la Commune de Paris a la charge qui pêche. Elles se rendent donc tout naturellement à l'Hôtel de ville, siège de la Commune, Elles commencent par réclamer de voir les représentants de la Commune, le maire Bailly et le général La Fayette. Aucun n'est là et on les empêche de rentrer dans l'hôtel de Ville

Vers dix heures du matin le 5 octobre 1789, alors qu'il pleut depuis l'aube, un premier groupe de plusieurs milliers de femmes décident de partir pour Versailles pour aller voir le roi. Leur nombre au départ est inconnu, mais elles sont estimées à plusieurs milliers à l'arrivée ; beaucoup de ces femmes ont été « recrutées » en route. Elles ont fait six heures de route sous la pluie, dans la boue, tirant des canons, accompagnées d'enfants, et sans doute en ayant souffert de la faim à la suite de la disette parisienne de pain et le non approvisionnement en farines.

Arrivées à Versailles à seize heures, la majorité de ces femmes épuisées cherchent à se reposer. Elles s'installent sur la Place d'Armes, face au château. Un groupe de femmes (au départ une vingtaine) rentre dans l'Assemblée Nationale et se met à circuler dans les galeries, entre les bancs et les députés, et certaines s’assoient même sur le siège du Président de l'Assemblée. Ceci provoque la colère des quelques députés qui sont encore là à cette heure qui trouvent l'intrusion du peuple, mais surtout des femmes, inadmissible. Au fur et à mesure que la soirée avance, de nouveaux groupes arrivent de Paris, principalement masculins et armés ; l'Assemblée se remplit de plus en plus.

Les femmes ont pour porte-parole un dénommé Stanislas Maillard. Maillard est un personnage ambigu qui participe à plusieurs journées révolutionnaires. Notaire, d'où son habit noir qui sera souvent relevé par les témoins à l'Assemblée, il est l'un des vainqueurs de la Bastille. Les vainqueurs de la Bastille sont les seuls hommes qui participent à la première marche des femmes. 

Les doléances des boutiquières sont :
-du pain pour Paris,
-qu'on punisse ceux que tous à Paris accusent d'empêcher la farine de venir à Paris (les meuniers, les accapareurs, certains membres de l'Assemblée),
- des lois sur les subsistances, 
- le respect de la cocarde nationale et de la nation suite à l'offense du banquet du régiment de Flandre >>>>>>>>>>>><<<<<<<<<<<<<

 La réponse du roi et de l'assemblée qui se trouve hôtel des menues plaisirs.
- un décret sur les subsistances est soumis au vote à l'assemblée constituante,
- olation et nourriture offerte aux manifestantes et aux manifestants à l'extérieur de la salle.
- Vers dix-sept heures, une députation conduite par Mounier part voir le roi pour lui faire signer le décre sur les subsistances et lui demander des mesures immédiates pour livrer du pain à Paris. 
- Mounier a aussi prévu de profiter de cette visite impromptue au roi pour lui forcer la main et lui faire signer la constitution et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

La députation est constituée de Mounier, Maillard et douze femmes, même si seules cinq d'entre elles sont autorisées à entrer. Le choix de ces femmes est surprenant. Elles ne sont pas préparées, l'une d'entre elles, qui a à peine dix-sept ans, a été entraînée dans la manifestation, et elle s'évanouit à la vue du roi. Au cours de cette première entrevue, le roi signe le décret et fait rassembler plusieurs charrettes de pain pour les envoyer à Paris. Ceci prouve au passage que la disette de pain est concentrée sur Paris. Lorsque la députation ressort, les femmes de la députation sont accusées par les autres manifestantes de leur mentir et menacées d'être pendues. Elles retournent voir le roi et obtiennent une preuve écrite. Le roi décide même de les renvoyer, en voiture, à Paris, à l'Hôtel de ville avec un message pour Bailly. Elles arriveront à lui à minuit

C'est la dernière nuit de la royauté à Versailles. Le pouvoir royal et les modérés dorment alors que le peuple parisien est debout et veille. La Fayette en gardera le surnom de « général Morphée ». Le ,6 octobre vers 6  du matin, des manifestants, après une nuit très largement arrosée, pénètrent dans la cour du château. Un affrontement a lieu avec les gardes du corps, deux gardes sont tués, leurs têtes aussitôt mises au bout d'une pique, les assassins se ruent dans les appartements royaux. Marie-Antoinette, à peine vêtue, se précipite chez le roi.  La garde nationale de Paris intervient alors pour protéger les gardes du corps qui protègent la famille royale, La Fayette intervient et calme les esprits, les gardes du corps et les gardes nationaux fraternisent. 
 
 La foule dehors veut voir Louis XVI au balcon, il s'exécute accompagné de Marie-Antoinette portant le dauphin dans ses bras, dans la cour la foule crie « À Paris ! À Paris ». Le roi ne peut qu'accepter : « Mes amis, j'irai à Paris avec ma femme et mes enfants ; c'est à l'amour de mes bons et fidèles sujets que je confie ce que j'ai de plus précieux ». C'est l'enthousiasme dans la foule qui fraternise avec les gardes.  

Le 5 octobre 1789 : les Parisiennes ramènent le roi à Paris

À treize heures, le roi quitte Versailles pour Paris accompagné de toute la famille royale. En tête de l'immense cortège de plus de 30 000 hommes des gardes nationaux qui ont piqué un pain au bout de la baïonnette. Ensuite les femmes qui ramènent des chariots de blé et leurs canons. Derrière  les gardes du corps et les gardes suisses désarmés juste avant le carrosse de la famille royale escorté par La Fayette, suivi d'autres voitures qui emmenaient quelques députés. Enfin la majorité des gardes nationaux et le reste des manifestants.

On crie : « Nous ramenons le boulanger, la boulangère et le petit mitron ! ».

À l'entrée de Paris, Bailly accueillit le roi à vingt heures sous les applaudissements de la foule et le carrosse royal n'arrive finalement aux Tuilerie qu'à vingt-deux heures.

On crie « Vive le roi, vive la Nation ».

 Aux Tuileries, rien n'était préparé pour les recevoir. Étonné lui-même de ce délabrement, La Fayette dit à la Reine qu'il allait pourvoir à cette situation et la Reine lui répond : « Je ne savais pas, répondit-elle dédaigneusement, que le roi vous eût nommé intendant de sa garde-robe ».

Ces journées révolutionnaires ont pour conséquence le déplacement du centre politique de la France de Versailles à Paris. Elles ont aussi été marquées par la signature par le roi de la Déclaration des droits de l’homme et du principe de la Constitution. À plus long terme, elles ont contribué à consacrer une certaine volonté populaire dans la Révolution tandis que pour d’autres commentateurs ces journées annoncent la Terreur. Quoi qu’il en soit et marquent à nouveau l’affaiblissement du pouvoir royal.

Sources :

Jacques Godechot, « Quatre lettres sur les journées des 11-23 juillet et 5-6 octobre 1789 », Annales historiques de la Révolution française,  202,  646-656 (lire en ligne.

Wikipédia - Albert Mathiez, « Étude critique sur les Journées des 5 et 6 octobre 1789 », Revue historique, Paris, Félix Alcan Éditeur,  67,  année,  241-281 .

Albert Mathiez, « Étude critique sur les Journées des 5 et 6 octobre 1789 (suite) », Revue historique, Paris, Félix Alcan Éditeur,  68,  année, 258-294 

 Albert Mathiez, « Étude critique sur les Journées des 5 et 6 octobre 1789 (suite et fin) », Revue historique, Paris, Félix Alcan Éditeur,  69e année.

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