La Philosophie à Paris

COLLOQUE WERNER HERZOG / « Mais je vois quelque chose que les autres ne voient pas »

26 Octobre 2019, 11:36am

Publié par La Philosophie


L’œuvre de Werner Herzog, dont Gilles Deleuze disait qu’il était « le plus métaphysicien des cinéastes », est caractéristique des formes d’hybridation des genres qu’elle a pu proposer. Au croisement des études de cinéma et de philosophie, ce colloque se donne pour objectif d’engager une réflexion sur les formes de problématisation que cette œuvre a engagé, notamment à travers des mobilisations de l’attention qui, dans leur forme spécifique, contribuent à ressaisir une position critique du sujet.
 
L’œuvre visuelle et écrite de Werner Herzog est porteuse d’une série de contradictions et de paradoxes que l’auteur n’a cessé de nourrir depuis le début des années 1960. Par exemple, alors que son œuvre dialogue indubitablement avec l’histoire allemande de la représentation (peinture romantique, cinéma de Weimar e.a.), le réalisateur a pourtant contesté cette filiation à plusieurs reprises. De la même façon, Herzog a toujours refusé une approche interprétative et savante de sa production en prônant l’autonomie et l’irréductibilité de son œuvre à d’autres discours que ceux qui relèvent directement de ces films. Et contrairement à certains de ses contemporains du Nouveau Cinéma allemand (A. Kluge ou R.W. Fassbinder e.a.) qui ont explicitement fait dialoguer leurs productions avec un ensemble de systèmes de pensée, Herzog s’est toujours gardé de parsemer ses films de quelconques références intellectuelles. Il s’est cependant lui-même employé à déployer une pensée féconde, démontrant dans ses textes et ses films que le brouillage des frontières entre documentaire et fiction est également marqué du sceau du paradoxe. Du côté de la fiction, la vérité d’un film dépend de l’exposition de ses acteurs à la matérialité réelle du tournage, tandis qu’à l’inverse, en documentaire, la vérité ne peut être atteinte qu’au prix d’une réécriture et d’une poétisation radicale du réel. Un des thèmes récurrents de la Conquête de l’inutile résume ainsi l’ensemble des contradictions et paradoxes qui travaillent l’œuvre de Herzog : ce qui paraît paisible n’est qu’une illusion. Le réel est la tourmente. Il inquiète les sens et entraine une crise de l’intelligibilité qui est nichée au cœur même de la perception. Mais la réponse de l’auteur à cette crise relève, ici encore, d’un geste paradoxal. Car à l’instar de ses personnages, Herzog choisit d’aggraver en quelque sorte le problème auquel il est confronté : au lieu de se tourner vers un cinéma du dénuement et de la sobriété distanciée tel qu’il fut pratiqué par Straub et Huillet notamment, le réalisateur s’engouffre dans un cinéma de l’excès, d’un excès de la perception, car il y entrevoit la seule façon de ne pas être captif de la représentation.
 
En raison de ses paradoxes et de ses contradictions, l’œuvre de Werner Herzog est une œuvre qui pense. Elle nous entraine dans ses apories irrésolues, non pas pour que nous les levions ou que nous les dépassions en identifiant la logique interne et propre de ses films, mais, au contraire, pour nous encourager à les travailler dans des systèmes de pensée qu’ils ne contiennent pas a priori. Il s’agit de croiser cette œuvre avec de multiples approches issues de champs disciplinaires différents (philosophie, anthropologie, sociologie, littérature, psychologie, études cinématographiques, etc.). Car c’est à la condition de renoncer à penser strictement à l’intérieur de l’œuvre, c’est-à-dire à la condition de l’exposer au contact de différentes disciplines, qu’on sera en mesure de penser avec elle. Les séquences de travail proposées dans ce colloque constituent un premier pas sur cette voie.
Programme
Colloque
6,7 et 8 novembre 2019
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