La Philosophie à Paris

DELEUZE / Sur deux tendances dans la pensée de Deleuze

12 Avril 2008, 09:00am

Publié par Le Cazals

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Il y a toujours eu deux dimensions dans la philosophie du seul Deleuze, l'une subversive, l'autre formelle. Cette dernière est marquée par la contemplation qui en réalité traverse tous ces livres. Attardons l'un de ses premiers livres voyons en quoi cette double conception de la pensée est déjà en germe dans Nietzsche et la philosophie, noté DzNP et s’affirmera complètement dans le supureux Différence et répétition. Et menons un coup de butoir sur l'importance accordée à la contemplation qui n'est qu'un amoindrissement professoral de la vie. C'est que toute la philosophie de Deleuze est marquée par ce que l'on nomme une pensée de l'Ouvert ou du Dépli (que l'on retrouve chez les stoïciens, Spinoza et Bergson, mais difficilement chez Nietzsche et Héraclite qui eux vont au-delà de la lignée stoïcienne). Deleuze fait état de son parti pris pour une pensée de l'Ouvert c'est-à-dire de l'élévation à l'infini d'une substance dès le début de son Nietzsche et la philosophie

 

C'est pour cela qu'à la fin de sa vie Deleuze disait espérer avoir écrit des livres vitalistes, des livres chargés d'une vie active. Pourtant la vie de celui qui sans Guattari manquait de force, cette vie de grand Voyant (l'enfant qui selon Deleuze manquerait de capacité motrice), d'homme ayant subi une thoracotomie (amputation d'un poumon) reste marquée par une vie contemplative qui se laissait affecter, "embringuer" par ses rencontres successives d'où toute sa pensée ouvrière des signes qui n'est pas une pensée législatrice , mais demeure une métaphysique de la différence ou de la nouveauté.

 

 

Pourtant « Héraclite savait que le devenir ne peut pas « être jugé », qu’il ne peut pas l’être et n’a pas à l’être » _33, bref qu’il n’a pas d’être. Comme le dit Nietzsche, Héraclite a nié la dualité métaphysique des deux monde, l’un sensible et prétendument apparent, l’autre supra-sensible fait d’immortalité et de vérité : « il a nié l’être lui-même ». Mais Deleuze reste convaincu que’ « Héraclite a deux pensées, qui sont comme des chiffres : l’une [subversive] selon laquelle l’être n’est pas, tout est en devenir ; l’autre [formelle] selon laquelle l’être est l’être du devenir en tant que tel. Une pensée ouvrière qui affirme le devenir, une pensée contemplative qui affirme l’être du devenir » _27.

 Ouh là ! ne voyez-vous pas poindre avec ce « devenir en tant que tel » un des travers cher à nos philosophes académiques ou pandémiques. Tel est l’essentialisme ou l’idéalisme que Deleuze qui refusait le combat n’est parvenu à vaincre. Ce travers, cher à nos pandémistes, consiste à surinvestir, à surdéterminer (on dit aussi hypostasier ou substantifier) un terme. Certes cela extrait une idée, l’abstrait, la généralise mais cela aussi aggrave les problèmes et ne produits que des « esprits lourds et trop serein ». Ils sont touchés par la pandémie de l’Être qui pendant deux milles ans jusqu’à Heidegger et Deleuze toucha l’Occident, avait-on réellement mis de côté la question de l’Être ou ne nous prenions-nous les pieds dans le tapis métaphysiques depuis deux mille ans, poser la question revenant bruyamment à s’écarter de l’Être. Comme les philosophes métaphysiciens ont du mal à se débarrasser de leur petites habitudes morales gravées dans le bulbe rachidien, ils continue à parler de l’être même si ce concept est creux (inconsistant qu’ils disent. Dam bon diou !). Mais où y a-t-il de l’Etre, surtout ne faites pas votre philosophe analytique en me disant, que l’être est dans nos phrases, auquel cas je pourrai vous dire que votre racisme dénigre la pensée des japonais. Eux n’ont pas la « chance » d’avoir des phrase construite selon la grand-mère des lettres (la Grecque j’entends bien), la grammaire de l’être.

 

Que Deleuze ne remonte pas des stoïciens à Héraclite cela se comprend en ce qu’il rejette le principe du polémos (du combat et de la lutte) qui court chez Netzsche depuis les premiers textes sur la joute chez les Grecs jusqu’à la grande politique finale, qui non une guerre entre les peuples mais contre la décadence et le nihilisme. Deleuze s’entête : « on ne saurait trop insister sur le point suivant : combien les notions de lutte, de guerre, de rivalité… sont étrangère à Nietzsche et à sa conception de la volonté de puissance. Non pas qu’il nie l’existence de la lutte ; mais celle-ci ne lui paraît nullement créatrices de valeurs. … la lutte n’est pas le principe moteur ou le moteur de la hiérarchie, mais le moyen par lequel l’esclave renverse la hiérarchie. » _97

 

Deleuze à travers ses multiplicités actualisables, n’a pas porté jusqu’au bout la phrase de Bergson il reste prisonnier d’une métaphysique résurgente, pensée du Depli ou de l’Ouvert. Pas plus qu’une pensée de la différence franchira le pas du Surhomme, pas plus ce ne sera une pensée de l’excès (l’excédence de Paul Audi voulant se démarquer de la différence de Deleuze/Derrida/Lyotard/Dessanti). Un grand pas pour Deleuze un petit pas pour la surhumanité qui n’est que la constellation d’hommes libres, immoraux et puissants (tout cela en plusieurs personnalités). C’est que le jeu héraclitéen - Héraclite aimant à « contempler » le jeu de enfants (fragment ) - n’est pas la orgueil démesuré et au final coupable.

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