La Philosophie à Paris

LA PERTE DU GENRE 8 / Du genre à la vérité

8 Novembre 2008, 21:36pm

Publié par Anthony Le Cazals

Du genre à la vérité — La question du genre  est aussi celle de la pensée dialectique. La dialectique est le discours qui se coupe de ce qu'il désigne comme étant la réalité sensible pour se tourner vers ce qui serait intelligible. Elle explique pourquoi l'abstraction reste inepte à expliquer le fonctionnement de notre monde soumis au capitalisme sinon à le rejeter. Notez que nous mettons de côté ici le matérialisme dialectique de Marx qui repose sur une analyse par l'économie politique de la société marchande et industrielle. Le terme « capitalisme » n'est d'ailleurs employé par Engels qu'en 1870 sans que Marx y prête attention comme le remarque Ivan Illich. Autant la pensée antique pouvait fonctionner par genres (Platon avec la dialectique) ou par catégories (Aristote avec son savoir analytique), autant les pensées contemporaines articulent différemment leurs concepts, dans des systèmes ouverts. Nous sommes passés du syntagme au paradigme, du vernaculaire au capitaliste. D’où le sentiment contraint et erroné pour celui qui est pris dans la hiérarchie capitaliste que nos vies n'ont pas de valeur et sont interchangeables. Cette hétéronomie ou quête de sens, tout un chacun peut très bien la ressentir à un moment donné. Il en est tout autrement pour qui sait voir ce qui a de l'importance à notre époque, pour celui qui sait ce qui libère par opposition à ce qui capture. Demeurer indifférent tant aux vérités abstraites qu’au clinquant de la sophistique. Les vérités abstraites issues de toutes les pensées par genre peuvent rendre tristes simplement parce qu'elles détournent de ce qui pour notre époque a de l'importance, de l’intérêt. Les « genres suprêmes » ne sont plus concrets ou sociaux comme peuvent l'être le genre masculin et le genre féminin. Mais ils ont cette particularité d’être apparemment tout aussi complémentaires. Ainsi pour Platon a-t-on le Même et l'Autre ou le Repos et le Mouvement ou encore l'Être et le Logos. Mais ces oppositions sont qu’apparentes et portent déjà l’illusion de leur origine métaphysique. Par exemple, on croit percevoir des objets en repos mais derrière cette physique se cache une métaphysique de la fixité et du jugement par rapport à l’Être. Le mouvement ne s’oppose pas au repos, car il n’y a pas de repos, tout corps est d’emblée dans un état de mouvement : ce que l’on assimile au repos, outre la fatigue et le sommeil, n’est que l’absence d’accélération par rapport à ce qui nous entoure. De même que toute pensée de l’autre est d’emblée excluante plus qu’elle ne prend en compte les choses singulières. Aussi la pensée par genre est le résultat « subjectif » d'une période où les sociétés établies sur le genre et la transmission d’une filiation. Les pensées par genres homologues cherchent en fait à recroiser ces grands ensembles abstraits pour donner une vraisemblance de vérité. C’est le structuralisme. C’est la dialectique entendue par Platon mais que ne reprendra pas Aristote ni Hegel qui suit ce dernier. Après avoir discerné des genres qui s’excluent les uns les autres, la dialectique les tisse entre eux : « Il n’y a pas de façon plus parfaite d’annihiler tout discours, que de détacher chaque chose de toutes les autres » (Sophiste, 259, e), on appelle cela le discernement pourtant « travailler à isoler tout de tout, c’est précisément n’avoir pas de mesure » (Sophiste, 259, d). Ne pas avoir de mesure conduit naturellement à la question de l’erreur. Platon par la parole de l’étranger finit par conclure, « la pensée nous est apparue comme un entretien que l’âme a toute seule avec elle-même » (264, a). Ainsi la dialectique est une pensée qui convient à ceux qui ont une âme ou une réflexion subjective, à la manière de l'épistémè. La science chez les Grecs, l'épistémè, est un savoir qui requiert l’âme et la convoque (J. A. Milner, L’œuvre claire, p. 148)
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