La Philosophie à Paris

923. Le lieu de recueillement du métier : l’atelier de la Renaissance.

27 Février 2013, 18:42pm

Publié par Anthony Le Cazals

Reprise. — La bottega (la boutique ou atelier florentin) est le lieu où tous les jours les derniers événements suscitent des discussions animées. Le soir on y joue de la musique. Des amis du maître et des collègues artistes y viennent pour échanger des plans, des esquisses, des innovations techniques. Des voyageurs, écrivains et philosophes, de passages dans la ville s’y arrêtent. La bottega de Verrochio, par exemple, attire beaucoup de grands artistes de l’époque : Botticelli, Pérugin et Ghirlangaio y demeurent un certain temps, alors qu’ils sont déjà des maîtres accomplis, pour apprendre des techniques novatrices et discuter des idées nouvelles CapLV_74-75.


Au début de la Renaissance, la peinture appartient encore à la catégorie des « arts mécaniques », des artisanats au même titre que l’orfèvrerie, la joaillerie, le tissage des tapisserie et la broderie CapLV_48-49. C’est l’apparition des beaux-arts en Italie. La distinction entre arts et métiers se fait en France sous l’influence italienne des arti, qui alors mélangent métiers et beaux-arts au sein d’une même corporation. Par exemple, Léonard de Vinci s’est inscrit après son passage à l’atelier de Verocchio à la Compania di San Luca qui était la compagnie des peintres rattachée à la corporation des médecins et des apothicaires dont le siège était l’hôpital Santa Maria Nuova, c’est là qu’il pourra pratiquer la dissection anatomique CapLV_77 . Ces mêmes dissections qui lui permettaient d’alimenter ses carnets et ce n’est pas un hasard s’il pratiquait ainsi. Le carnet d’atelier (il libro di bottega CapLV_75) est à la base de l’amélioration par notation de ce qui tient à cœur et permet la reprise de son propre travail.


La brigade du chef-restaurateur avec ses cuisiniers, l’étude du notaire avec ses avoués, l’agence de l’architecte avec ses dessinateurs-projeteurs, le cabinet de l’avocat avec ses juristes, voilà des lieux où se passe encore le métier. Ce ne sont pas des lieux où se diffuse la parole du maître qui communique davantage à l’extérieur ou avec ses « commanditaires ». Mais ce sont dans ses lieux que surgissent le parler (autonome) et non la parole qui relève de la prêtrise (homonomie 334b/518f). C’est du parler des métiers que surgissent les plus importantes inventions lexicales qui embrayent sur la réalité. Mais à présent une plus grande invention se trouve par exemple dans la désignation des pièces d’une fusée de la NASA. Le métier, par l’humour teinté de dérision qu’il requiert et son inévitable louchebem, ne crée pas de nomenclature inutilisable par la suite mais des mots qui ont vocation à enrichir une langue. On les nomme parasynonymes*. Désuets ils deviennent rares et précieux, les métiers évoluant. Par contre s’ils investissent un autre champ que celui du métier, ils appartiennent au sens « figuré » et par extension à une image ou une métaphore. Ces mots nouveaux sont des vecteurs de la transvaluation des valeurs, de nouveaux métabolismes 919.


Renaissance : Comprendra-t-on, veut-on comprendre ce qu’était la Renaissance ? La transvaluation des valeurs chrétiennes, la tentative entreprise par tous les moyens, avec tous les instincts, tout le génie, de faire triompher les valeurs opposées, les valeurs nobles… NzA°54.

 

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