La Philosophie à Paris

933. La jubilation de la transmutation.

27 Février 2013, 19:17pm

Publié par Anthony Le Cazals

Les deux moments de la transmutation correspondent à deux moments de l’auto-défense : le voleur « poétique » se pensait prince du mal, le vagabond dérisoire devient la sainte SarSG_268. La transmutation passe toujours par une jubilation qui n’est pas exactement l’affection de soi par soi mais l’indifférence à une prétendue unité des forces contradictoires. À travers une transmutation, l’autodestruction et l’autocréation vont de pair : l’autodestruction quand on ne la mène pas jusqu’au bout peut passer pour l’envers d’une autocréation SarSG_270. On existe d’autant plus que l’on veut s’anéantir, anéantir l’opposition des contradictoires _271 qu’est la « conscience », bonne ou mauvaise. Peut-on appeler autrement une transmutation qu’une compréhension, tant cette dernière s’accompagne d’affects jubilatoires. Certes la croyance tout comme la connaissance passent par une appréhension suivie d’une jubilation, mais les a priori semblent plus restreints aux époques démocratiques sans doute sous l’effet dormitif des opiats NzBM°11. Sans une vérification permanente (satori chez Shigeru Uemura), la connaissance retombe très vite dans la croyance NzBM°11 et la recherche du sentiment de confort NzGS°355 : la jubilation de l’homme de connaissance ne serait-elle pas justement la jubilation du sentiment de sécurité retrouvée ?


La jubilation n’est pas l’idéal grégaire qu’est le bonheur, ce n’est pas non plus son corrélat mystique qu’est l’extase religieuse voire tantrique. La jubilation passe par l’activité et l’endurance des forces au dehors de toute doctrine. La jubilation part d’une transmutation c’est-à-dire du passage au travers tantôt d’un paradoxe tantôt d’une aporie de sens — moment où chacun est placé face à sa propre compréhension comme pour un passage à gué. Cette transmutation opère donc au milieu du discours que l’on se forge, au milieu des phrases et des propositions comme signification qui accompagnent toute démarche ou toute mouvance. On parle de transmutation discrète 412g. La jubilation tient à ce qu’elle dissout d’emblée les alternatives qui nous sont présentées comme des choix à accomplir au travers d’actions et d’œuvres. Il s’agit pourtant davantage d’un « diapason » dont les vibrations égrènent sur un parcours de vie. Alors ce parcours de vie a embrayé sur une mouvance. La transmutation dans les époques de régression est le privilège du petit nombre Nz, c’est-à-dire du groupe non-déterminé — appelons-les minorités. C’est pour cela que les femmes sont plus enclines à la jubilation là où les hommes se conformeront au modèle comme si leur plaisir pouvait dépendre de la satisfaction d’une volonté.


Parfois il arrive des coups de chance. Ce plaisir délicieux, au moment de l’hapax existentiel 412g comme le nomme Jankélévitch, avait rendu à Marcel Proust les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour en remplissant d’une essence précieuse... Si on se place à la hauteur de cet événement on est loin de la lâcheté qui nous détourne de toute tâche difficile, de toute œuvre importante, cette lâcheté qui conseille de laisser cela, de boire son café en pensant simplement aux ennuis d’aujourd’hui, aux désirs de demain qui se laissent remâcher sans peine.

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