La Philosophie à Paris

AUTONOMIE ET HIERARCHIE 24 / Le subsidiaire

2 Janvier 2017, 00:50am

Publié par Anthony Le Cazals

Le subsidiaire se détache du souverain. La souveraineté est d'inspiration Bodinienne et fut même reprise par Althusius qui revisitèrent ainsi la traduction de l'hégémonique. Ce qui est subsidiaire dans les termes se situe sur un tout autre versant, on penserait volontiers à la question des subalternes, mais sans notion d'inférieur ou de supérieur. permettre aux gens de décider le plus possible par eux-mêmes de ce qui les concerne en créant un système politique et social où les problèmes puissent être résolus au niveau "le plus bas" possible, indépendamment de toute hiérarchie, de tout principe fédérateur (manipulateur de l'extérieur). Le terme important est celui d’autonomie. De fait, les alliances doivent rompre avec tout ombre de Dieu, même païenne et surtout avec la mystique, plus de foedus. L'exemple suédois est intéressant et s'appuie sur une "cotisation" à la source qui se substituerait volontiers à l'impôt.

Il n'y a plus ni inférieur ni supérieur
Il n'y a plus ni intérieur ni extérieur

En fait la mystique (ou son équivalent syncrétique qu'est la pop culture) se trouve révoqué car ils ne sont que l'ombre du divin et reposent. On peut penser à ce qu'écrit Gershom Scholem à propos des deux Torahs, la loi écrite et la loi orale qui est l'implicite de la première et qui pourtant fixe les rites suivant l'époque (le judaïsme polythéiste antique puis royal du Temple, n'ayant rien à voir avec le judaïsme rabbinique de la synagogue, celui-ci n'ayant rien à voir avec le judaïsme mystique et monothéiste qui s'est développé après 1492 avec la profonde influence de la Kabbale). De la même manière et sans vous perdre, on pensera à l'opposition entre la loi et l'évangile dans le Nouveau Testament, là encore la bonne parole s'opposant à la loi écrite et fixant donc ses nouvelles pratique davantage basées sur le miracle comme chez les pentecôtiste que sur la confession des œuvres du Christ, comme le souligne Nietzsche.

il n'y a plus ni dette (Schuld) ni culpabilité (Schulden).

Certes il y a là une pétition de principe, une méthode Coué à la puissance au carré qui transforme les personnes parvenus ou épuisé, en personne toujours partante et à l'entrain spontanée.

Au-delà du principe de subsidiarité

Nous avions déjà parlé de l'hétérarchie comme forme favorisant l'autonomie. C'est sous ce régime que le subsidiaire se détache du principe de subsidiarité qui lui relève toujours d'une théologie de l'alliance (l'opposition enter la loi et l'évangile notamment), comprenez de l’alliance du dieu avec sa création. Les écrits d’Aristote, de Thomas d’Aquin, d’Althusius, de Proudhon, l’Encyclique Rerum Novarum du pape Léon XIII (1891), puis le Quadragesimo Anno de Pie XII (1931) s’en inspirent. Plus tard encore, le pape Pie XII dans son Discours aux Cardinaux, le 20 février 1946, précisera : « toute autorité sociale est par nature subsidiaire ».

Le principe de subsidiarité a été introduit dans la législation européenne par l'article 3 B du Traité de Maastricht, il a pour objectif que les décisions prises dans l'Union européenne le soient au niveau le plus pertinent et le plus proche possible des citoyens.
Le principe de subsidiarité au sens européen était ainsi défini aux paragraphes 1 et 2 de l'article 5 du Traité instituant la Communauté européenne : « La Communauté agit dans les limites des compétences qui lui sont conférées et des objectifs qui lui sont assignés par le présent traité. Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté n'intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire ».
C'est sous la pression des Länder allemands que ce principe a été inscrit au Traité.
Le principe de subsidiarité a un dialogue très fécond avec la théologie de l'alliance dont les concepts fondateurs trouvent leur origine dans les écrits des Pères de l'Église. On peut considérer le philosophe Johannes Althusius comme à l'origine du principe de subsidiarité. Dans son ouvrage de 1603, Politica. Methodice digesta et exemplis sacris et profanis illustrata, cui in fine adjuncta est oratio panecyrica. il souligne la nécessité d'autonomie des collectivités de base, vis-à-vis des pouvoirs centraux. Cependant, son existence est beaucoup plus ancienne : on en retrouve déjà l’esprit chez Aristote ou Saint Thomas d’Aquin. Dans Les Politiques, Aristote décrit une société organique - la Cité - au sein de laquelle s’emboîtent hiérarchiquement des groupes : familles - villages. Chacun de ces groupes essayant d’être autosuffisant, mais n’y parvenant jamais totalement ; à l’exception de la Cité, considérée comme un espace politique total. Celle-ci, en effet, est l’unique corps autonome - donc parfait (l’autonomie, Autarkeia étant chez les anciens Grecs, synonyme de perfection) - dans lequel le citoyen puisse déployer ses capacités et ses facultés. « L’idée de personne, issue de la pensée chrétienne et à certains égards de la culture scandinave, consacre la dignité de cette ‘substance’ autonome, à laquelle nulle autorité ne saurait voler l’existence en l’utilisant comme moyen » (1). L’homme transcende alors son appartenance de par son rapport intime et individuel à Dieu,. « Il est membre de la société en tant qu’être dépendant, obligé de puiser autour de lui dans son milieu social, les éléments de sa vie et de son développement physique, intellectuel et moral. Mais pour autant qu’il est un être spirituel, dont les opérations propres sont immanentes, il transcende le milieu social dans lequel il plonge » (2).

Au-delà du socialisme

Si l'on revient à l'origine du socius, du client des familles patricienne sous la Rome du senat républicain puis de l'empire où tout le monde va quêter son revenu minimum de solidarité (RMI, RSA, pension et minimum vital etc.) auprès des notables. C'est l'électoralisme qu'une étrange islamophobie désigne comme islamo-gauchiste les maires de Saint-Denis et leurs soutiens intellectuels (par exemple Emmanuel Todd le génie prédicteur (3) ou Alain Badiou le sophiste). C'est là le clientélisme moderne qui se nommait socius chez les romains. Pourtant il n'y a pas de lien entre le client et les subsides dont il pourrait bénéficier ou faire bénéficier sa famille protectrice ou son état providence.

Un livre de Julien Baroche (4) tendrait à montrer que la subsidiarité intitutée comme principe dans les traités successifs de l'Union Européenne serait un dérivé et une émanation directe du catholicisme. Il « craint que la parenté avec les théories libérales conduise à dénoncer l’État providence, travers dans lequel tomberait Caritas in veritate en condamnant l’assistanat et en célébrant la charité » (5).

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1 Chantal Millon-Delsol, Le principe de subsidiarité, P.U.F., collection Que sais-je? N° 2793

2 Jean Weydert, Une contribution à l’idée fédéraliste de la pensée sociale catholique: le principe de subsidiarité, in Le fédéralisme est-il pensable pour une Europe prochaine ? Editions Kimé, 1994, p. 103 à 112.

3 Je vous prédis que vous allez mourir ou phrase d'accroche du drageur voaynt une parisseinne lire au jardin du Luxembourg : « à la fin il meurt ! »

4 Julien Barroche, État, libéralisme et christianisme. Critique de la subsidiarité européenne, Dalloz, 2012, 748 p.

5 Bertrand Hériard Dubreuil, « Subsidiarité », www.doctrine-sociale-catholique.fr, 3/12/2012.

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