La Philosophie à Paris

137. La grande politique.

14 Février 2013, 20:47pm

Publié par Anthony Le Cazals

Exergue. — Une civilisation « supérieure » (comme celle visant sa propre autonomie) ne peut naître que là où il y a deux castes distinctes de la société ; celle des travailleurs (moraux) et celles des oisifs immoraux, capables de loisir véritable… le fait est que la caste des oisifs est la plus capable de souffrances, la plus souffrante, son contentement de l’existence est moindre, sa tâche plus grande. Nietzsche NzHH°439


En réalité, ces deux castes coexistent en toute situation avec plus ou moins d’évidence, avec plus ou moins d’indépendance de l’une vis à vis de l’autre, parce qu’on n’est jamais complètement oisif, jamais complètement travailleur. Les peines et les souffrances sont des conséquences relatives aux positions sociales. Les unes comme les autres entrent dans deux régimes : celui des affranchis qui rentrent en autonomie et la désirent et celui des travailleurs au rythme quotidien qui, s’ils veulent moins de souffrances et plus de plaisirs, doivent selon eux grimper dans l’« échelle » sociale. D’un côté, on a l’affranchissement vis-à-vis des mœurs et de l’autre les aspirations les plus humaines. D’un côté un surhomme collectif et pourtant distant, de l’autre un ensemble de communautés et d’individus hiérarchisés sous couvert de morale. Pourtant Nietzsche et Marx se rejoignent en parlant de collectivisme. Nietzsche ne parlera de la dimension collective qu’à la fin de son œuvre car elle lui paraissait avoir trop d’inconvénients NzHH°481. Il ne percevait pas encore l’avenir, parce qu’il n’était pas capable de montrer les semences qui devraient être semées sur le terrain labouré NzHH°472. Tâche hautement collective. Dans un aphorisme, Nietzsche envisage la suppression de la notion d’État, de l’opposition privé et public NzHH°472. Ce n’est pas exactement une abolition mais plus un dépérissement, une indifférence face à ce qui est sans intérêt, mais qui a été présenté comme une vérité. Le décri, la décadence et la mort de l’État, l’affranchissement de la personne privée (je n’ai de garde de dire : de l’individu) sont la conséquence de la conception démocratique de l’État ; en cela consiste sa mission NzHH°472. Nietzsche et Marx ont bien compris que le dépérissement de l’État reposait d’abord sur l’égoïsme ou le capitalisme, car il ne pouvait se faire par une transmutation volontaire, un réformisme qui lui-même est État. Comme l’a toujours affirmé Marx, c’est la société civile qui détermine l’État et non l’inverse. Par exemple dans La guerre civile en France, une propriété personnelle apparaît comme morale aux yeux de la fonction publique, mais cette fonction publique devient territoriale et continentale. Quand l’État ne répondra plus aux exigences, ce ne sera point le chaos qui lui succèdera, mais une invention mieux appropriée que n’était l’État, triomphera de l’État NzHH°472. Qu’est-ce que l’État ? Sinon l’imposition d’une paix symbolique et codifiée parce qu’on ne voit pas d’autre fait « possible » que la hiérarchie — qui conditionne égoïsme et altruisme. On peut prendre l’exemple déclencheur de la cité grecque, quand la démocratie en -402 est réapparue après la courte dictature des Trente. L’État vient de la stasis, c’est-à-dire de cette déchirure organisée et apaisée, c’est un équilibre des forces antinomiques qui se divisent en partis. Il y a là une forme d’usure : il faut s’user à gérer les conflits alors que l’on pourrait indiquer bien des divergences et des indifférences à toutes ces formes de conflits stériles et coercitifs. Par exemple, les enfants de Mai 68 (...)ont cessé d'être exigeants, ou narcissiques mais ils savent bien que rien ne répond actuellement à leur capacité d'énergie DzRF_225, à leur puissance d’autonomie. C’est là que nous verrions l’enjeu d’une nétique 816internationale comme grande politique...

 

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